S’il est un domaine où Benoît Poelvoorde excelle, c’est bien dans l’art de composer des dialogues percutants. „Les portes de la gloire“, son quatrième film, ne fait pas exception; on y retrouve la patte „Poelvoorde“, soit du tragi-comique dans un milieu socio-économique plutôt démoralisant.
Le fabuleux destin d’un vendeur de salades
Le grand Ben se réserve, comme à son habitude, le rôle du beauf ou du sale con médiocre à qui on arrive même pas à en vouloir. „L’humour est indissociable de la tragédie. Si ce n’est pas dramatique, ce ne sera jamais drôle. Pour qu’il y ait rire, il doit y avoir un soupçon de peur, de tragédie, c’est obligatoire. Au fond, le rire est une vision du pire“ selon Benoît Poelvoorde. Ce film, réalisé par Christian Merret-Palmair, offre, en effet, une vision quelque peu désespérante de l’art de la vente en milieu défavorisé. Au volant de son break VW, Demanet (Poelvoorde) drive son équipe de vendeur dans les corons pluvieux pour y vendre au porte à porte, une obscure encyclopédie sur les cataclysmes ayant causé la perte des grandes civilisations.
Un produit surfait, écho aux peurs de l’an 2000. Chaque vendeur possède sa technique personnelle pour embobiner une clientèle composée en majeure partie de chômeurs. Tout le sel du scénario se trouve évidemment là: quelle saveur d’écouter Michel Duchaussoy disserter sur les malheurs de la civilisation aztèque, et, butant sur un mot lui attribuant l’invention du cramique au lieu de la céramique. C’est que, le docte connaît aussi mal son produit que le client potentiel qui le découvre … tout l’art réside de n’en rien laisser paraître. Quant au formidable Etienne Chicot, autre vendeur d’exception, son talent consiste à adapter sa technique de vente à la personnalité du client, ce qui lui vaut un sens de l’observation surdéveloppé.
Une triste routine
La triste routine de cette équipe de vendeurs va être bouleversée par l’arrivée d’un nouveau, Julien Boisselier, futur beau-fils de grand patron des éditions Pégase. Le pauvre garçon ne fait pas preuve des meilleures dispositions pour atteindre le chiffre de ses comparses. Timide, peu motivé, il ignore qu’il est l’instrument des ambitions dévorantes du driver Demanet. Ce dernier compte utiliser la jeune recrue pour qu’elle persuade son beau-père de pénétrer le marché du sud de la France avec les techniques de ventes américaines.
C’est à partir de là que le film s’enlise, tout comme Demanet et son équipe. On ignore où les scénaristes voulaient nous emmener dans cette seconde partie, entre critique sociale et Grand Guignol. Une chose est sûre, on s’ennuie presque autant que ses vendeurs dans ce Midi peu propice à la vente sauvage.
Reste l’excellente interprétation des acteurs, l’humour grinçant des dialogues et la description peu engageante du milieu de la vente : „C’est mangé ou être mangé, la loi de la jungle“, comme l’assène Demanet à son apprenti vendeur. Un milieu où la médiocrité le dispute au pathétique, une spécialité de Benoî t Poelvoorde qu’on aimerait voir se couler dans d’autres personnages à l’avenir. Cela ne risque pourtant pas d’être le cas à court terme, puisque le prochain film du grand Ben compte l’histoire d’un coureur cycliste né le même jour, à la même heure que le champion Eddy Merckx mais à neuf petites minutes d’intervalle. Bien entendu, l’écart ne fera que se creuser au fil de l’histoire … Ligne d’arrivée prévue en octobre.