L’histoire des „gueules cassées“ de la Première Guerre mondiale n’a pas séduit le jury cannois et le film est rentré bredouille alors que „La chambre des officiers“ était, de loin, le meilleur film de la sélection française.
Les séquelles de la guerre
Été 1914. La Première Guerre mondiale éclate, le lieutenant Adrien s’offre une dernière nuit d’amour avant de se rendre au front. De cette guerre, il n’en verra rien si ce n’est le goût du métal brûlant d’un obus qui, le premier jour du conflit, lui arrachera la moitié du visage. C’est à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce qu’il mènera sa propre guerre: celle contre la mort en premier lieu, puis contre le rejet de soi et enfin, plus tard, celle contre le regard des autres. A ses côtés, il y a le médecin optimiste, alias André Dussolier, qui se réjouit des progrès de la médecine et puis l’infirmière, alias Sabine Azéma, femme tendre et ferme à la fois qui, bien souvent, donne du baume au c´ur à ces hommes meurtris.
Le patient français
Avec ce huis-clos aux odeurs d’éther, François Dupeyron nous prend rapidement à la gorge sans toutefois tomber dans l’excès si facile du sentimentalisme. La souffrance de cet officier nous est exprimée avec la sobriété et la dignité d’un véritable héros. Inutile d’effrayer le spectateur avec des images gores, la voix „off“ du héros et ses réflexions suffisent à nous faire comprendre l’atrocité de sa blessure. Si „La chambre des officiers“ touche profondément le spectateur, c’est avant tout parce que cette histoire, tirée du roman de Marc Dugain, est en grande partie un fait authentique. Il raconte en effet les moments difficiles que son grand-père „gueule cassée“ a subis. Mais le film émeut aussi grâce à la mise en scène discrète qui met mieux en valeur le jeu des acteurs, au mélange entre les scènes dramatiques, comme le suicide d’un officier qui n’a pu accepter le regard de son fils, et l’humour, qui cache bien souvent la tristesse et la peur du futur, du jour où ils devront affronter le regard des autres.
Si d’aucuns trouvent que par moment le film souffre de longueurs, c’est qu’ils n’en auront pas compris l’essence même. Cette mise en scène souvent lente, ces scènes parfois longues ne sont que le reflet de la patience d’un homme qui attend avec angoisse la guérison et le moment où il pourra se regarder dans une glace. Rien n’a été laissé au hasard, tout est calculé dans ce film pour exprimer du mieux possible cette situation insoutenable. Dans la peau de l’officier Adrien, on retiendra le nom de l’acteur Eric Caravaca qui nous sort le grand jeu tout comme sa partenaire Isabelle Renauld. A ses côtés, on tombera sous le charme de la prestation de Sabine Azéma et d’André Dussolier sans oublier les rôles secondaires.
Quant à la fin, on pourrait reprocher à François Dupeyron le happy end, mais ce ne serait pas comprendre le sens qu’il a voulu donner à son film, à savoir un hymne à la vie, à la tolérance et au courage. Car il existe encore, en ce monde, des gens tolérants qui ne s’arrêtent pas à une différence physique pour connaître le grand amour. „La chambre des officiers“ est un film qu’il fallait faire pour rendre hommage aux héros de la grande guerre que les générations actuelles ont tendance à oublier trop rapidement. Et puis, pour une fois, le cinéma s’intéresse à l’envers du décor en nous évitant les champs de bataille au profit de ce qui se passe dans les infirmeries où certaines personnes, personnel hospitalier en particulier, menaient également un lourd combat.