Asteroid Day : Peur, pas peur ?

Il y a mille raisons de s’intéresser aux astéroïdes et aux météorites. L’Asteroid Day est principalement consacré à la moins plaisante : le risque d’une grande collision avec la Terre.

Un astéroïde s’écrase sur Londres… science ou fiction ? (Credit : Films United ; Source : Flickr / Grigorij Richters)

Un astéroïde se dirige droit sur la Terre. Lieu de l’impact : 49,6° N ; 6,1° E – le Luxembourg. Date de l’impact : le 30 juin 2017. Pas de panique ! Au fil des jours, il devient clair que l’astéroïde se désintégrera complètement dans l’atmosphère au lieu de tomber sur le sol luxembourgeois. C’est qu’on avait mal évalué la composition de l’objet céleste.

Voilà un scénario possible d’une collision avec un astéroïde. Voilà aussi une métaphore pour l’Asteroid Day 2017, qui est annoncé comme ayant lieu au Luxembourg. Dans le communiqué de presse officiel, on apprend que de nombreuses activités de sensibilisation sont prévues partout dans le monde, du Nebraska jusqu’à Madagascar. Au grand-duché, on aura droit à « la première conversation mondiale concernant les astéroïdes » en live depuis un studio de RTL au Kirchberg. C’est depuis le Luxembourg aussi que les organisateurs de la journée diffuseront, avec l’aide de la SES, un programme « Asteroid Day Live » partout dans le monde. C’est sympa, mais on est loin de la mobilisation qu’il peut y avoir pour des événements comme le passage du Tour de France ou même la « Journée sans voiture ».

Il est vrai que la nature des astéroïdes est plus difficile à cerner que celle des deux-roues ou des quatre-roues. Par définition, il s’agit de petits corps inertes tournant autour du soleil à la manière d’une planète – ce qui les distingue des lunes, gravitant autour des planètes, et des comètes, au noyau actif et à la trajectoire très allongée. D’ailleurs, les plus grands astéroïdes sont classés comme planètes naines, tandis que les petits sont appelés météoroïdes. La plupart de ces objets sont situés dans la « ceinture principale », entre les orbites de Mars et Jupiter. Cependant, l’Asteroid Day est surtout consacré à ceux dont l’orbite rencontre celle de la Terre, nommés « géocroiseurs ».

Étoiles filantes – filant droit sur nous !

Parler des étoiles filantes est une manière d’aborder le sujet par en haut et de manière positive. Quand les météoroïdes entrent à très haute vitesse dans la haute atmosphère terrestre, ils se vaporisent, ce qui donne lieu à un sillage lumineux apprécié de tout temps par les humains. Les pluies d’étoiles filantes à des dates fixes de l’année, comme les Perséides ou les Léonides, sont dues à des poussières issues de comètes. Quelle que soit son origine, l’entrée d’un corps céleste dans l’atmosphère terrestre est appelée un météore. La luminosité dépend notamment de la taille – les plus gros sont appelés bolides, sont visibles même quand il fait clair et peuvent exploser à des altitudes relativement basses.

On peut aussi aborder le sujet par le bas : ce sont les cratères à la surface de la Lune qui ont fait réfléchir Ed Lu. C’est ce qu’a raconté l’ex-astronaute en présentant sa fondation B612 pendant le voyage de prospection d’Étienne Schneider aux États-Unis en avril. Ces cratères de toutes tailles qui recouvrent entièrement la Lune rappellent en effet la quantité de collisions auxquelles les grands corps célestes sont exposés au fil du temps.

Si les cratères sont moins apparents sur terre, cela est dû en partie à l’érosion et en partie à l’atmosphère qui freine, puis désintègre la plupart des objets qui la pénètrent. Mais vu leur quantité, de temps en temps il y en aura un plus gros aux conséquences néfastes – c’est ce qui a amené Ed Lu à participer à la création de B612. La fondation est dédiée à la « planetary defense », la défense de notre planète contre le risque de collision avec un gros corps céleste. Elle a également obtenu que l’ONU reconnaisse le 30 juin comme Journée internationale des astéroïdes. C’est en effet ce jour-là, en 1908, que le plus gros impact d’astéroïde de l’histoire récente a eu lieu, à Tunguska en Sibérie.

Dinosaures : bêtes ou malchanceux ?

Quant à l’impact le plus lourd de conséquences à ce jour, c’est probablement celui de Chicxulub au Yucatán. Un astéroïde d’environ dix kilomètres de diamètre s’y est abattu il y a 66 millions d’années. Il est aujourd’hui généralement considéré comme cause de l’extinction des dinosaures. Auparavant, les scientifiques pensaient que ces animaux avaient constitué une impasse de l’évolution, trop grands, mal adaptés ou dépassés par l’avènement des mammifères – le sens figuré du mot en témoigne. En fait, les dinosaures ont simplement eu la malchance de ne pas avoir pensé à développer une « planetary defense » avant que le ciel ne leur tombe dessus.

L’espèce bipède de mammifères que nous sommes a par contre commencé à s’intéresser aux risques émanant des astéroïdes. Et ce jusqu’au Luxembourg où, loin du très médiatique et très virtuel « Asteroid Day Live », le Musée national d’histoire naturelle (MNHN) organise des activités pendant deux jours. Des ateliers, des visites guidées, des démonstrations et une conférence tenteront de sensibiliser le public aux astéroïdes et à l’astronomie en général. D’ailleurs, dans l’exposition permanente qui vient d’être réaménagée, les météorites occupent une grande partie de la salle consacrée à l’espace.

Récapitulons : un météoroïde, en entrant dans l’atmosphère terrestre, donne lieu à un météore, et, s’il n’est pas entièrement vaporisé, il en restera une ou plusieurs météorites. Celles-ci sont donc d’origine extraterrestre, souvent très lourdes et avec un aspect extérieur intrigant. Les météorites ont déjà été collectionnées par les civilisations anciennes et se retrouvent aujourd’hui dans les musées. « Nous montrons une quarantaine de nos plus belles pièces, pour en illustrer la variété », explique Eric Buttini, conservateur au MNHN, interrogé par le woxx. La plupart avaient déjà été montrées lors de l’Asteroid Day de 2015, mais ne faisaient auparavant pas partie de l’exposition permanente.

Mars, et ça repart

« L’idée que ces objets proviennent de l’espace est fascinante », dit Buttini, physicien de formation et qui s’est spécialisé dans la géophysique et l’astrophysique. « On peut montrer les météorites aux visiteurs, qui sont souvent surpris par leur poids », raconte-t-il. Au MNHN, il y en a de toutes les tailles, mais la plus inattendue est celle qui vient de Mars. Il ne s’agit pas d’un astéroïde, mais d’un morceau arraché à la planète rouge lors d’une collision, qui a été entraîné dans l’espace et a fini par être capté par la gravitation terrestre. Non pas qu’on ait observé ces événements, mais en comparant la composition chimique de cette météorite avec celle, connue, de la surface de Mars, on a pu déterminer son origine – c’est un peu comme un test ADN pour corps célestes.

Dans l’exposition permanente du MNHN, au milieu des météorites, on trouve également un panneau intitulé « Les météorites sont-elles dangereuses ? ». À côté d’une description générale des effets selon la taille de l’objet, il y a une carte centrée sur le Luxembourg montrant l’étendue géographique des dégâts potentiels. « Notre message pour l’Asteroid Day est que ce danger existe, mais l’objectif n’est pas de donner des cauchemars aux gens », commente Buttini à propos de l’action de sensibilisation du musée. Il estime qu’en détectant une ou plusieurs décennies à l’avance les astéroïdes dangereux et en déterminant leur composition chimique, on devrait pouvoir les dévier. D’ailleurs, le conférencier de samedi, Patrick Helminger, participe au European Fireball Network, qui observe et étudie les chutes de gros objets célestes sur terre. Sa conférence, qui a lieu à 16 heures au Science Café du musée, est intitulée « Asteroids, Can We Deal with the Danger ? ».

« Life before the Apocalypse at 51° North » est le titre d’une autre contribution locale au débat, sous forme d’un film de science-fiction. Le metteur en scène, Grigorij Richters, vit au Luxembourg, et le film a été cofinancé par le grand-duché. La musique a été écrite par Brian May, guitariste de Queen et, comme Richters, impliqué dans les initiatives de « planetary defense ». En conséquence, le film raconte l’histoire d’une collision centrée sur Londres qui cause la fin de la civilisation humaine sur Terre.

« Poussière d’étoiles ». Dar Al Gani 861, une météorite en pierre de 18,4 grammes trouvée en Libye. (Photo : MNHNL)

La fin, possible mais improbable

Notre planète a un diamètre de presque 13.000 kilomètres. Clairement, une collision avec un corps céleste d’un diamètre de quelques dizaines de kilomètres et une masse relative presque négligeable ne la fera pas voler en éclats. Ce n’est pas non plus la dévastation directe, formant un cratère de quelques centaines de kilomètres de diamètre, qui éradiquera l’humanité. Et pourtant… Une immense onde de choc devrait parcourir l’ensemble de la surface planétaire, suivie par des incendies détruisant toute végétation. Surtout, l’explosion atmosphérique produira une pluie de débris sur une large surface, à la manière d’un tir de shrapnel. Enfin, la poussière produite par l’explosion et l’impact bloquera la lumière du soleil et donnera lieu à un « hiver d’impact », une baisse de la température sur Terre. Le terme est à rapprocher de celui d’hiver volcanique – suite à une éruption comme celle du Krakatoa en 1883 – et d’hiver nucléaire après une guerre atomique. Selon la gravité et la durée de ce phénomène, l’extinction touchera un nombre plus ou moins grand d’espèces animales et végétales, pouvant aller jusqu’à la destruction de toute vie sur terre.

B612 chasse les astéroïdes

« Heureusement, plus l’effet d’un impact est grave, moins il est probable », rassure Eric Buttini. Ainsi, des impacts comme celui de Tunguska se produisent en moyenne à un intervalle de quelques dizaines de milliers d’années. Le 30 juin 1908, un astéroïde d’environ 100 mètres de diamètre avait détruit 2.000 kilomètres carrés de forêt sibérienne, sans occasionner de victime humaine. Bien entendu, ce type d’événement au-dessus d’une grande agglomération serait catastrophique pour la population concernée. Plus fréquents, les impacts d’astéroïdes d’un diamètre de plus de 20 mètres peuvent occasionner des dégâts importants, comme celui près de Tcheliabinsk (Oural) en 2013. Les 1.500 blessés dans cette aire faiblement peuplée l’ont été de manière indirecte, notamment par les éclats de vitres suite à l’onde de choc. Cela se produit environ deux fois par siècle, mais on est loin d’un scénario de fin du monde.

« Les grandes collisions, c’est un risque de type ‘low probability, high impact’ », rappelle Buttini. Même si les collisions avec des astéroïdes comme celle qui a éradiqué les dinosaures sont improbables, cela vaut le coup de s’y préparer. « Heureusement, les corps célestes de cette taille sont relativement faciles à détecter et à suivre », ajoute-t-il. La question serait donc : combien d’argent on met dans la recherche et sur quel type de scénario ? Comparé aux risques liés au changement climatique ou même à une guerre mondiale, celui émanant des astéroïdes n’est pas forcément prioritaire.

Cela explique peut-être pourquoi c’est une fondation privée telle que B612 qui s’est dévouée à la cause de la « planetary defense », et non pas les agences spatiales gouvernementales ou l’ONU. Et si le sujet mobilise bien du monde au sein de la communauté scientifique américaine, la fondation a parfois du mal à trouver des partenaires prêts à mettre de l’argent sur la table. Ce qui explique peut-être pourquoi elle a traversé l’Atlantique, pour faire avancer sa cause en Europe en partant du Luxembourg.

Et ce avec de nouveaux projets. En 2015, la NASA avait retiré son soutien au lancement de l’engin Sentinel, rappelle le site spécialisé Spacenews dans un article du 20 juin. Il s’agissait d’un vaisseau spatial devant détecter et observer les « géocroiseurs » de taille importante. Au fil des ans, les critiques du projet estimaient que les astéroïdes de taille supérieure à 150 mètres pouvaient être détectés par les télescopes terrestres et spatiaux existants. Spacenews cite Ed Lu, qui fait preuve de flexibilité en se concentrant sur les astéroïdes un peu plus petits, mais beaucoup plus nombreux. Ceux-ci ne menacent pas l’humanité entière, mais pourraient détruire une ville ou une zone d’habitation plus restreinte. L’idée de Lu est d’utiliser un ensemble de satellites plus petits et plus faciles à construire et à mettre en orbite. En utilisant des ordinateurs hautement performants, on pourrait combiner les observations et identifier les astéroïdes d’un diamètre de quelques dizaines de mètres.

(Illustration : Wikimedia / Dmytro Ivashchenko / CC BY-SA 4.0)

Les pyromanes pompiers

Quid de l’intérêt du Luxembourg ? Pourquoi apporter un soutien – surtout politique – à la cause de la « planetary defense » ? L’engouement récent de notre gouvernement pour l’espace est lié aux projets de « space mining ». Dans ce domaine, le Conseil d’État vient de donner son feu vert au projet de loi qui permettrait à des sociétés implantées au Luxembourg de s’approprier des ressources prises dans l’espace. Et si certains rêvent de mines sur la Lune ou sur Mars, la plupart des sociétés s’intéressent aux astéroïdes. Ces corps célestes sont en partie extrêmement riches en métaux. Surtout, redécoller d’un objet de taille modeste et donc à faible gravité est bien plus facile que de ramener des ressources depuis la Lune, d’un diamètre de 3.500 kilomètres.

Or, disposer d’une « cartographie » des trajectoires des astéroïdes avec leur composition chimique est à la fois utile pour la « planetary defense » et agréable pour les futurs « mineurs de l’espace ». Car pour exploiter les ressources des astéroïdes, il faut d’abord savoir où aller les chercher, et ensuite planifier la trajectoire d’une mission spatiale aller-retour. On le voit, si la fondation B612 est une association sans but lucratif, les informations qu’elle collecte pourront représenter une grande valeur pour les acteurs du « space mining ».

Une autre convergence d’intérêts est rarement évoquée. En effet, prévoir une collision et même le lieu d’impact permettrait juste d’évacuer la zone en question. Pour empêcher l’impact lui-même, il faudrait pouvoir dévier longtemps à l’avance l’astéroïde dangereux. Or, modifier la trajectoire d’un astéroïde, c’est justement un des moyens de réduire le coût de l’exploitation minière dans l’espace. En effet, certains acteurs envisagent de carrément amener un astéroïde « prometteur » dans l’orbite terrestre. Bien entendu, ce serait une opération très dangereuse, qui pourrait conduire à une collision provoquée par l’espèce humaine elle-même. Mais ces experts en manipulation d’orbites seront ceux qu’il faudra pour éviter une collision de type catastrophe naturelle. Comme quoi les pyromanes font sans doute les meilleurs pompiers.

 

Sur le projet de loi permettant l’appropriation des ressources spatiales : Space mining : La niche « conquistador » dans le woxx 1398
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