Space mining : La niche « conquistador »

Le droit international est flou, le droit luxembourgeois sera précis : oui, on peut s’approprier les ressources minières de l’espace. Une approche qui n’est pas à la gloire du grand-duché.

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(Illustration : Nasa/Denise Watt/PD)

L’espace et les ressources qu’il recèle n’appartiennent à personne. Donc au premier venu, ou plutôt au premier arrivé. C’est un peu la logique de la loi sur l’espace que veut mettre en place le Luxembourg. À condition, bien entendu, d’avoir auparavant obtenu un agrément de mission du ministre de l’Économie et de s’être acquitté d’une redevance.

En tentant d’établir une sécurité juridique fondée sur le droit national, la loi présentée la semaine dernière complète l’initiative en faveur du « space mining » lancée en début d’année. L’idée est de fournir un cadre propice à l’exploitation privée des ressources spatiales et d’attirer des sociétés de ce type au Luxembourg. En étant le premier pays après les États-Unis à accorder à des entreprises privées un droit de propriété sur les ressources extraites, le grand-duché mise sur un secteur d’avenir – ou fait dans la science-fiction, selon certaines critiques.

Mais qu’en est-il du droit international ? Le traité de l’espace de 1967, ratifié par le Luxembourg, interdit de s’approprier des territoires dans l’espace extra-atmosphérique. Mais le flou concernant l’exploitation de ressources est mis à profit par le Luxembourg pour affirmer que celles-ci sont bien susceptibles d’appropriation. Dans l’exposé des motifs du projet de loi, on invoque l’analogie avec la pêche en haute mer, qui autorise l’appropriation du contenu des filets dans des territoires considérés comme n’appartenant à personne.

Cette argumentation est tendancieuse, car pousser l’analogie avec la haute mer jusqu’au fond conduirait à une autre conclusion : les fonds marins doivent en effet être exploités conjointement et sous supervision des Nations unies. Une telle approche serait d’ailleurs logique, puisque le traité de l’espace affirme que « l’exploration et l’utilisation de l’espace (…) sont l’apanage de l’humanité tout entière ». Mais il est vrai que les conditions d’une mise en valeur éventuelle ne sont pas précisées – du moins dans ce traité-là.

En effet, il existe bien un autre accord international qui impose aux entreprises privées des restrictions comparables à celles sur les fonds marins : le traité sur la Lune de 1979. Il n’est même pas mentionné dans l’exposé des motifs et il est vrai que peu de pays l’ont ratifié. Notons tout de même que sur les ressources spatiales, le Luxembourg favorise ainsi les rivalités entre acteurs, alors que d’habitude il opte pour la coopération multilatérale dans les relations internationales.

Prétendre promouvoir l’exploitation minière « pour le bien de l’humanité » frise l’hypocrisie.

(Photo : SITCK at lb.wikipedia / CC BY-SA 3.0)

(Photo : SITCK at lb.wikipedia / CC BY-SA 3.0)

L’exposé des motifs frise donc l’hypocrisie quand il affirme souhaiter « une collaboration renforcée et effective avec d’autres pays » et promouvoir l’exploitation minière « pour le bien de l’humanité ». La FAQ du site national officiel spaceresources.lu est plus franche : si on attendait la mise en place d’un « régime global », on risquerait de retarder le démarrage des activités minières par « de longues et pesantes négociations ». En d’autres mots, plutôt que le bien de l’humanité, le projet de loi vise à faciliter la course au profit de quelques-uns.

Ne soyons pas injustes. Historiquement, l’exploration et la mise en valeur de continents « nouveaux » a été l’œuvre d’entrepreneurs et d’aventuriers plutôt que de juristes et de bureaucrates. Avec, dans le cas présent, la chance qu’il n’y ait pas de petits bonshommes verts à soumettre, convertir et exploiter. Mais il est peu glorieux pour le Luxembourg de contribuer ainsi à affaiblir le principe de coopération internationale. Surtout que, malgré les apparences high-tech, le créneau du space mining n’est en fin de compte rien d’autre qu’une niche de souveraineté de plus, fondée sur la prédation et le dumping réglementaire.

 

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