Budget 2019 : Je vous ai apporté des bonbons

C’est le moment de marketing le plus propice de l’année : la présentation du budget sert avant tout à la coalition pour imprimer sa marque, et moins pour orienter le pays vers un avenir que tout le monde ignore.

650 millions d’euros de déficit programmé. Ce sera sûrement la plainte que l’on va entendre le plus de la part des partis d’opposition dans les semaines et mois à venir. Aussi parce que prendre un tel pari relève d’un certain culot dans une Europe germanique où la rigueur budgétaire, l’austérité et le fétichisme du « zéro noir » font partie du modèle à suivre. Se permettre de dépenser et d’investir plus que ce que l’on projette de percevoir peut donc paraître tout à fait iconoclaste, voire progressiste.

Mais est-ce vraiment le cas ? Un survol des principaux chiffres budgétaires laisse supposer que si le packaging est progressiste, l’esprit du budget est tout sauf révolutionnaire. L’exercice est plutôt planifié dans l’idée de maintenir le statu quo, en tenant compte des dynamiques économiques nationales et internationales. Ce n’est donc pas le grand soir, mais nous voulons rester ce que nous sommes – à l’avenir aussi. Et pour cela, certains investissements qui sont vendus comme des progrès se révèlent des adaptations nécessaires à la croissance du pays. Comme ceux faits dans les transports publics et les infrastructures routières : il ne s’agit pas de luxe, mais de projets indispensables si le pays veut rester compétitif. Ce qui est et reste le mantra de la coalition – sinon la baisse des impôts sur les sociétés ne ferait pas de sens.

Maintenir le statu quo à l’avenir

Du point de vue social, les mesures pour réduire les différences qui se creusent de plus en plus entre les plus riches et les plus pauvres ne sont pas légion. Certes, une bonne partie du budget part comme d’habitude dans les dépenses sociales (presque la moitié des dépenses de l’administration centrale, soit 9.138 millions d’euros), mais leur répartition usuelle n’est pas vraiment affectée. Et les 100 euros nets de plus promis pour le salaire minimum (et obtenus par le LSAP) ne vont pas changer la donne radicalement – d’autant plus qu’ils seront mis en musique en deux étapes, une augmentation du brut et un crédit d’impôt. Et ce n’est pas le taux de TVA superréduit sur les tampons et les serviettes hygiéniques, ce qui est un geste nécessaire sans doute, qui va refermer la fracture sociale.

Sinon, le budget 2019 traduit aussi le pouvoir des lobbys, qui ont fait pression avant les élections. Contrairement au budget 2014 avec le fameux « Zukunftspak », le gouvernement, qui ne croyait pas lui-même en sa propre réélection, peut cette fois faire des cadeaux. Ainsi, le budget de la culture a augmenté de 15 pour cent, sans atteindre toutefois un pour cent du total. Les conventions avec les associations montent de plus d’un million d’euros, les dotations aux établissements publics aussi en général et même la participation étatique à la fondation privée qui gère le Mudam va augmenter de presque un million – malgré les couacs qui secouent la gestion. Curieusement, nous n’avons pas trouvé une seule trace de la galerie nationale voulue par Xavier Bettel – juste quelque 36 millions alloués au réaménagement de la Bibliothèque nationale avec la mention « rue Notre-Dame » sous le chapitre concernant les travaux financés par les fonds d’investissement publics.

Bref, avec ce budget, le gouvernement a surtout voulu se faire un cadeau lui-même ainsi qu’à ses lobbys, pas vraiment aux citoyen-ne-s ordinaires. Reste juste à espérer que la prochaine crise ne le forcera pas à revenir sur ses promesses de lendemains qui chantent.


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