Malgré une impressionnante prestation d’actrice de Juliette Binoche, « Un beau soleil intérieur » peine à susciter une quelconque émotion… à part quelquefois la lassitude.
« Isabelle, divorcée, un enfant, cherche un amour. Enfin un vrai amour. » Voilà en dix mots le synopsis du film, selon le dossier de presse. Rien de plus. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ces deux phrases ne trompent pas sur la marchandise. Isabelle, c’est Juliette Binoche à l’écran, et rien n’est épargné au spectateur de sa quête quasi mystique : celle d’une artiste un peu paumée à la recherche de l’homme qui enfin la comprendra et passera avec elle plus qu’une menue tranche de vie.
Défilent donc un banquier qui ne quittera pas sa femme, un acteur charmant mais au psychisme amoureux quelque peu distordu, un beau et sombre provincial légèrement complexé et l’ex d’Isabelle, avec qui non, finalement, ça ne marchera pas à nouveau – même s’il fallait quand même essayer. Tout ça se passe en grande majorité à Paris, dans des appartements, des restaurants ou des galeries d’art respirant l’aisance et les classes supérieures. Les vêtements sont branchés, les conversations dépassent la petite banalité du quotidien et on boit abondamment. Est-ce une critique sociale ? Plutôt bien déguisée, dans ce cas, tant les personnages restent sages, ou alors dans la folie raisonnable des riches qui savent se distraire.
C’est notamment le cas pour le rôle d’Isabelle, dont l’excentricité reste mesurée. Son problème, c’est qu’elle ne voit plus la vie que par le prisme de l’amour – en tout cas une certaine vision de l’amour – qu’elle croit avoir définitivement laissé passer. Elle se prête pourtant toujours au jeu de la séduction, en écumant les vernissages ou les fêtes. Même si les amants qui sont présentés successivement ont des caractères différents, la répétition de la rencontre qui fait des étincelles et du soudain délitement de la relation finit par lasser à la longue. Le film devient alors un manège un peu vieillot, qui tourne, tourne, tourne sans que plus personne y prête attention. Tout le contraire d’une ronde sensuelle et émoustillante.
Et pourtant, Juliette Binoche paie de sa personne pour défendre son rôle. Elle rayonne effectivement de ce soleil intérieur que promet le titre, scrutée de surcroît par de nombreux gros plans. Cette sensibilité fleur bleue qui se devine dans un corps de femme mûre diablement séduisante, elle la rend avec talent à l’écran, empêchant le spectateur de sombrer dans l’ennui. Mais même une actrice multiprimée ne peut relever un scénario répétitif et au fond auteurisant. Alors, quand survient Gérard Depardieu dans le rôle d’un voyant qu’elle consulte pour connaître son avenir amoureux, il est déjà trop tard… puisque c’est la fin du film.
Tout ça pour ça, serait-on tenté de dire. Et si on reprenait tout à partir de là, pour savoir ce que l’avenir réserve à Isabelle ? C’est bien le défaut principal du film de Claire Denis (assistée de Christine Angot pour le scénario) : il n’a jamais vraiment commencé et se finit soudain. Comme si la vie d’Isabelle n’importait pas au fond, ou seulement pour un exercice de style cinématographique.
Alors mieux vaut chercher pour cette fois le beau soleil à l’extérieur de la salle de cinéma, même si Juliette Binoche darde de tous ses rayons.
À l’Utopia. Tous les horaires sur le site.
L’évaluation du woxx : O