Corona et grippe 2/3 : les vraies différences

Plus contagieux que la grippe, oui. Plus létal, peut-être. Mais d’autres différences, tout aussi importantes, sont de type qualitatif.

L’autre coronavirus, celui à l’origine de SARS.
(Wikimedia ; Zhong, N., Zhang, S., Xue, F., Lou, Z., Rao, Z., Xia, B. ; Astrojan ; CC BY-SA 4.0)

La grippe saisonnière et la Covid-19 ont des points en commun : le mode de transmission, mais aussi une dangerosité qu’on oublie parfois quand on parle d’une « simple grippe » (voir « Corona et grippe 1/3 : les chiffres qui tuent »). Quant aux différences, il est probable que la contagiosité aussi bien que la létalité du coronavirus dépassent celles de la grippe. Cela dit, en combinant les taux les plus alarmants annoncés pour les deux variables, la Covid-19 devrait mathématiquement provoquer un nombre de décès encore bien plus terrifiant que ce qu’on observe. En fait, le taux de létalité est probablement sous-évalué, parce qu’on ne sait pas décompter les personnes infectées qui ne développent pas de symptômes. On ne peut même pas exclure que la létalité de la Covid-19 s’établisse à un niveau comparable à celui de la grippe saisonnière.

Pourtant, même dans ce cas, des différences qualitatives entre les deux maladies justifient qu’on les aborde de manière différente. Tout d’abord, dans de nombreux cas, la Covid-19 attaque violemment les poumons, comparable en cela à l’épidémie SARS (Severe Acute Respiratory Syndrome, dû à un autre virus du même type), qui a ravagé en 2003 la Chine et l’Asie orientale. Cela conduit à un besoin de traitements spécifiques (assistance ventilatoire, intubation et usage d’un ventilateur mécanique, coma induit et oxygénation par membrane extracorporelle) qu’on n’a pas dans cette mesure lors des vagues de grippe saisonnière.

Un virus nouveau, donc dangereux

Ensuite, c’est un virus nouveau – pour être précis, une variante nouvelle de coronavirus contre lequel il n’y a pas (encore) d’immunité ni de vaccination. Combinée à un taux de transmission relativement élevé, une telle épidémie nouvelle génère forcément un pic de maladie beaucoup plus pointu que ce qu’on observe lors des vagues de grippe. Ensuite, contrairement à la grippe, le personnel soignant est massivement en danger, puisqu’il ne dispose pas d’une résistance acquise ni ne peut être vacciné. Or, un des facteurs de risque est la quantité de matière virale à laquelle on est exposée – les femmes et les hommes en première ligne devraient donc être particulièrement protégé-e-s, ce qui n’a malheureusement pas été le cas. Enfin, la maladie étant nouvelle, ce n’est pas seulement un vaccin approprié qui fait défaut, mais aussi des méthodes et des médicaments qui permettent de la traiter de manière adéquate.

Pour être complets, notons qu’un tel virus nouveau peut produire par voie de mutation de nouvelles variantes, potentiellement plus dangereuses encore. Ce dernier risque ne s’est pas concrétisé, mais n’est pas à exclure pour l’avenir. Comme dans le cas de la grippe espagnole, il pourra y avoir plusieurs vagues de contagion. Et surtout, dans les pays en développement, dont les systèmes de santé et les institutions étatiques sont en général moins solides, le coronavirus risque de rencontrer des circonstances favorables à des mutations néfastes.

Aplatir la courbe !

En somme, au-delà des facteurs quantitatifs comme la contagiosité et la mortalité, il y a des facteurs qualitatifs qui rendent la Covid-19 potentiellement plus dangereuse que la grippe saisonnière. Au nom du principe de précaution, il convient donc d’essayer d’aplatir la courbe d’évolution de l’épidémie en l’étalant sur un certain nombre de mois. Cela permet en premier lieu d’éviter ou de limiter la surcharge des hôpitaux. De surcroît, cela permet de gagner du temps, afin d’élaborer des traitements et, le cas échéant, de réagir à des mutations du virus (les vaccins mettent normalement beaucoup plus de temps à être développés).

Les différences entre Covid-19 et grippe sont donc bien réelles, et les réactions des pouvoirs publics justifiées en première approche… et même tardives dans beaucoup de cas. Au vu du nombre de morts causées par la grippe certaines années, la différence entre la gravité avec laquelle on traite une maladie et le manque de conscience à l’égard de l’autre interpellent néanmoins. Agir de manière plus déterminée contre la grippe pourrait être l’une des leçons pour l’avenir. D’autres leçons découlent du regard critique qu’on peut porter sur la manière et les résultats des processus de décision politiques (voir : « Corona et grippe 3/3 : leçons à tirer »).

 


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