La pilule avait du mal à passer au parlement ce lundi matin, où le projet de loi 7606 n’a profité que des voix de la majorité – le CSV et l’ADR ont voté contre, Déi Lénk et les Pirates se sont abstenus.
Il aura tout essayé, Mars Di Bartolomeo : interviews sur les grandes radios en quasi-simultané le weekend dernier, discours grandiloquent avec applaudissements pour le personnel soignant et les employé-e-s des secteurs essentiels – mais sa mise en scène n’a pas tenu la route. Peut-être en a-t-il fait trop en inventant le terme « Virusbomm » pour désigner des éventuel-le-s réticent-e-s au confinement qu’il faudra obliger à rester cloîtré-e-s – sous la menace d’une intervention des forces de l’ordre. Assimiler sémantiquement un-e malade à un-e terroriste est en effet un peu gros. Le bon mot chiraquien du « Plus c’est gros, mieux ça passe » ne s’applique donc pas partout et tout le temps.
L’autre problème de sa version, encore portée par des membres de la majorité et du gouvernement à la tribune de la Chambre toujours en exil, c’est la prétendue implication de l’opposition dans l’écriture du projet de loi et dans la prise de décision en général. Pour les député-e-s de l’opposition, cette affirmation a certainement résonné comme une claque : le projet de loi 7606 a dû être lu et amendé en un temps record, et la pression du gouvernement pour le faire passer à la moulinette parlementaire était énorme. Surtout quand on garde à l’esprit que dans un premier temps, le gouvernement pensait se faire voter une sorte de pleins pouvoirs. Ce n’est qu’après des protestations non seulement dans l’opposition, mais aussi dans la majorité que le projet de loi est né. Et cela dans la douleur : les premières versions ne comportaient pas uniquement des fautes d’ordre juridique, mais carrément des non-sens. Comme l’immixtion dans la vie privée qu’il prévoyait, recalée par le Conseil d’État.
Si le travail de la Haute Corporation n’a pas abouti à retoquer la mesure la plus controversée, à savoir l’hospitalisation forcée (qui est maintenant plus pieusement appelée « confinement forcé »), il a du moins réussi à l’encadrer plus justement en plaçant désormais les juges des tribunaux d’arrondissement et non pas les procureur-e-s dans la position de décider si la liberté d’un-e malade est oui ou non plus importante que le risque pour la société. Dans ce contexte, la motion qui appelle le gouvernement à réformer la loi de 1980, qui est encore moins clémente avec les infecté-e-s mais pas adaptée à la situation de la Covid-19, n’est qu’une maigre consolation. C’est une histoire de principe et non pas d’encadrement – un principe que la majorité n’a jamais voulu débattre.
La désormais loi 7606 est mal ficelée et comporte toujours de nombreuses zones d’ombre qui se heurteront à la pratique. Un défaut qui aurait pu être évité si le gouvernement s’était attelé à la tâche dès le déclenchement de l’état de crise, comme l’a rappelé le chef de file du CSV Claude Wiseler ce matin.
Bref, l’opposition s’est défoulée sur un gouvernement et une majorité qui, pendant l’état de crise, a quelque peu perdu la mesure de l’équilibre des pouvoirs et pensait pouvoir continuer ainsi sans vent contraire sous la menace du virus. En ce sens, la virulence des débats est un bon signe pour la démocratie. L’embarras est du côté du gouvernement, qui aurait certainement préféré voir son projet de loi profiter de plus de 31 voix.