Quatrième enregistrement de l’Orchestre philharmonique du Luxembourg et de Gustavo Gimeno sous le label Pentatone, cette « Symphonie no 4 en sol majeur » de Gustav Mahler renforce la discographie de l’orchestre sous la baguette de son directeur musical de bien belle façon. Toujours avec une qualité de prise de son qui met en valeur les harmoniques des instruments, cette captation montre la méticulosité de la préparation du chef et de son orchestre face à la musique rigoureusement planifiée du maître autrichien.
Dans le premier mouvement, c’est tout d’abord le sens du tempo qui impressionne : les nombreux ralentis et changements de mesure sont exécutés avec une unité d’excellente facture, donnant le juste caractère délibéré et allant – mais sans hâte – souhaité par le compositeur sur la partition. On pourra peut-être regretter une différence de dynamique un peu trop fine entre les triples fortes et les fortissimos, mais celle-ci est largement compensée par la détermination de tous les pupitres, qui accentuent avec gourmandise la gaieté quelquefois sombre de cette première partie.
Le deuxième mouvement, sorte de scherzo à l’allure grossière, voire brute de décoffrage, joue moins sur les changements de tempo que sur le contraste entre l’orchestre et le premier violon accordé un ton trop haut pour la circonstance ; la performance de ce dernier est ici remarquable, avec une sonorité qui rappelle cette distinction des vieux messieurs un peu rêches qui s’essayent à l’élégance. Il faut y ajouter la grande maîtrise des cors, qui jouent aussi un rôle déterminant.
Retour vers la fin du troisième mouvement aux changements parfois abrupts de tempo, toujours bien calibrés, après le déploiement d’un ample adagio de près de vingt minutes où brillent les pupitres plus bas des cordes, notamment avec une performance à saluer des altos. Par rapport aux premiers mouvements plus rythmiques, où l’on sait que Gustavo Gimeno est à l’aise, cette partie permet de mesurer le talent pour conduire une ligne mélodique du chef et de ses instrumentistes, avec en prime un exercice redoutable où l’orchestre doit soudain hurler de joie en interrompant tout lyrisme.
Mission accomplie avant le finale du quatrième mouvement, où la soprano Miah Persson rejoint l’orchestre pour une mélodie accompagnée. Sur la partition, Mahler indique qu’il est d’une importance capitale que l’accompagnement soit « extrêmement » discret ; et c’est bien ce que l’orchestre parvient à faire, après les éclats et le lyrisme des précédents mouvements, dans ce court passage où les paroles parlent de « vie céleste ». Non sans se mettre en valeur quelques secondes lors des reprises du début de l’œuvre, mais pour mieux se couler rapidement dans le moule d’accompagnateur efficace, mais un peu effacé. Pas d’ostentation, mais des instruments et un chef au service d’une voix aux accents simples qui conclut la symphonie d’abord remuante par des accords de paix.
À la fin, on ne peut que saluer la justesse du jeu de l’orchestre luxembourgeois, bien préparé et qui, sous la direction de Gustavo Gimeno, parvient à graver un enregistrement convaincant par la diversité des couleurs et des timbres dans une symphonie aussi exigeante.
Pour compléter ce CD, le directeur musical a fait le choix de se transporter au début de la carrière de Mahler, avec un arrangement pour orchestre du premier mouvement du « Quatuor avec piano en la mineur » réalisé par le compositeur Colin Matthews. Difficile d’entendre dans cette œuvre de jeunesse la patte du futur symphoniste autrichien, même si c’est effectivement une bonne idée que d’y infuser des saveurs orchestrales, tant la science de l’orchestration constitue une des marques de fabrique de Mahler. L’OPL et son chef insufflent la dynamique et le lyrisme nécessaire à une écoute intriguée de cette partition plutôt documentaire. Un bonus qui permet aussi à cet excellent CD de se démarquer d’enregistrements plus traditionnels.