L’Ombudsman Claudia Monti vient de présenter le premier rapport sur l’unité de sécurité (Unisec), une unité fermée sur le site du Centre socio-éducatif à Dreiborn. Si le traitement des jeunes semble approprié, ce n’est pourtant pas le cas pour l’avant et l’après-enfermement.
La médiateure ne s’en cache pas : pour Claudia Monti, enfermer des mineur-e-s dans la prison de Schrassig, c’est non. Et pourtant, pendant longtemps, la politique tout comme l’appareil judiciaire n’y ont pas vu de grands inconvénients. Cela malgré de multiples condamnations par des instances internationales, comme le Conseil de l’Europe, qui déplorait en 2015 encore que « malgré les multiples engagements des autorités luxembourgeoises, des mineurs soient toujours incarcérés au Centre pénitentiaire ». Il recommandait à l’époque d’ouvrir rapidement l’Unisec. Ce qui est fait depuis le 1er novembre 2017. Mais malgré cela, des mineur-e-s se sont retrouvé-e-s dans la prison pour adultes, du moins jusqu’au printemps 2018. À l’époque, Monti avait envoyé une lettre ouverte pour dire son indignation.
Entre-temps, la nouvelle ministre de la Justice Sam Tanson semble avoir trouvé le courage politique de mettre fin à ces pratiques indignes. Surtout que l’Unisec, selon le rapport rendu public cette semaine, semble plutôt bien fonctionner. « Notre impression est globalement positive », a fait savoir Monti devant la presse ce mercredi. « Nous avons été bien accueilli-e-s par tout le personnel et nous avons aussi pu nous entretenir avec de jeunes détenu-e-s. » Si l’infrastructure est au top, puisqu’elle est neuve, la médiateure a pourtant soulevé des points critiques.
Le parquet non coopératif
Cela commence par le profil des jeunes amenés à l’Unisec : « L’Unisec n’est pas un endroit où enfermer des jeunes qui fuguent à répétition des foyers, ou encore des réfugié-e-s mineur-e-s qui auraient commis de légers délits. C’est un endroit où l’on envoie des mineur-e-s qui ont commis des délits assez graves, qui seraient passibles de prison s’ils en avaient l’âge », a précisé Monti avant d’énumérer d’autres points critiques, comme le menottage systématique des jeunes avant d’arriver, le fait que ce sont des camionnettes de police qui les amènent et non des voitures banalisées ou encore le fait qu’il n’y a pas d’assistance socio-éducative pendant la nuit. « Or, c’est justement pendant les premières nuits que les jeunes sont les plus vulnérables, et les gardien-ne-s ne sont pas formé-e-s pour les aider de façon adéquate quand il y a crise », remarque-t-elle.
Si la majorité des propositions et remarques de l’instance de contrôle ont plutôt été bien accueillies par les ministères impliqués, il y a une instance qui fait défaut dans sa communication avec l’Ombudsman : le parquet, et par extension la justice. « La communication n’a pas été facile : nous avons dû relancer plusieurs fois, pour finalement obtenir une réponse très lapidaire », révèle Monti. Surtout que le point soulevé avec les instances judiciaires n’était pas des moindres : en effet, plusieurs jeunes ont témoigné-e-s ne pas avoir vu leur juge de la jeunesse – qui les a pourtant placé-e-s à l’Unisec et qui peut allonger le séjour de trois mois s’il ou elle le trouve nécessaire. Pour Monti, c’est impensable : « Nous avons affaire à des adolescent-e-s qui ont besoin de discuter et de comprendre pourquoi de telles mesures sont prises contre elles et eux. Les juges doivent être plus à l’écoute de celles et ceux qu’ils placent dans cette unité. » La réponse du parquet, qui se trouve dans un addendum du rapport, est parlante : « Cette affirmation est tout simplement fausse », répond Martine Solovieff. Alors que l’équipe de l’Ombudsman a trouvé justement le contraire : « La dernière convocation d’un tribunal de la jeunesse qui a pu être consultée datait de plus d’un an avant le placement », rétorque-t-elle.
Quoi qu’il en soit – et il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur l’attitude du parquet face à l’Ombudsman et à la protection de la jeunesse –, le principal problème de l’Unisec n’est pas le temps passé à l’intérieur, mais ce qui se passe après : « Placer les jeunes dans des centre socio-éducatifs, comme celui de Dreiborn juste à côté, serait dangereux : les jeunes pourraient vite devenir des ‘héros’ et des leaders pour leur nouvel entourage. Et en même temps, les foyers rechignent souvent à accueillir des jeunes qui sont passés par l’Unisec – il serait temps qu’ils se remettent en cause », précise Monti.