La mission économique sur la West Coast a rencontré une industrie spatiale boostée par du capital privé, affirmant œuvrer pour le bien commun de l’humanité.
Qu’est-ce qu’on va foutre dans l’espace? La question que doivent se poser de nombreux Luxembourgeois, relayée par un journaliste, n’a pas l’air de décontenancer Étienne Schneider. Arrivé lundi soir à San Francisco, le ministre de l’économie a invité la presse à un briefing à 22h30 dans une salle de conférence de l’hôtel W sur la 3rd Street.
Schneider évoque les retombées à court terme pour la recherche et l’imagerie par satellite. À moyen terme, il envisage des activités comme la recharge ou la réparation de satellites qui ne fonctionnent plus. Le ministre veut faire avancer la discussion sur les débris en orbite autour de la terre: « Il ne faut pas répéter dans l’espace les erreurs qu’on a commises sur terre. L’introduction d’une réglementation obligeant à enlever les débris permettrait à des entreprises d’offrir ces services – une sorte de Lamesch de l’espace ».
Alors, l’engagement luxembourgeois dans l’espace doit-il servir au plus grand bien de l’humanité? Ou n’est ce qu’un pari financier sur des retours sur investissement?
« Notre objectif, c’est de faire des affaires », affirme Matteo Genna, un des directeurs chez le constructeur de satellites SSL, lors de la visite de la délégation luxembourgeoise. Un constructeur qui met plus l’accent sur la qualité de construction que sur des innovations hasardeuses. Instructions strictes pour la visite : enfiler des habits de protection, ne toucher à rien, le moindre grain de sable peut faire échouer une mission. Au bout de la visite et de quelques conversations, l’impression qui se dégage n’est pas celle d’une entreprise obsédée par la marge bénéficiaire.
Est-ce l’esprit écolo omniprésent en Californie du Nord? SSL réfléchit aussi aux débris orbitaux – et considère qu’il s’agit d’un problème de gestion de biens communs. En fait, l’entreprise est marquée par l’approche typique des ingénieurs, ce dont attestent les slogans d’Einstein et d’autres placés sur les murs. Avec le patriotisme en prime – de grands drapeaux américains décorent les murs des halls de construction.
Droit de sol
Chez l’investisseur Steve Jurvetson par contre, il y a un seul Stars and Stripes: celui qui a servi lors des entraînements pour la mission Apollo 11. Pour séduire la délégation luxembourgeoise, celle-ci a pu visiter sa collection de souvenirs de l’espace. Avec autorisation expresse de toucher aux objets tels que les tableaux de bords de vaisseaux spatiaux du 20e siècle. Sur les murs: les logos des sociétés favorites de l’investisseur.
Le capital risque viendra-t-il au Luxembourg ? Sera-t-il dissuadé par l’avis récent du conseil d’Etat, affirmant qu’une sécurité juridique ne saurait être établie par une loi luxembourgeoise sur le droit de propriété des ressources minières spatiales. « Pour moi, ça ne change rien », a affirmé Étienne Schneider dès lundi. Il estime pouvoir faire bouger les négociations internationales en la matière, comme le souhaitent les investisseurs. Deux jours plus tard, le ministre a renchéri: le Luxembourg créera une agence spatiale, financée par un PPP, et destinée à s’occuper du volet commercial de l’exploration spatiale. Tout cela pour le bien commun de l’humanité, c’est entendu.