Avec « Déformation », Bruno Baltzer et Leonora Bisagno célèbrent la renaissance de l’intérêt pour la pensée marxiste à travers les initiatives citoyennes qui remettent en question l’essence du capitalisme. Très pédagogique, mais pas forcément efficace.
Lorsqu’on pénètre dans la BlackBox du Casino, deux écrans se disputent l’œil. Sur l’un, la fascination d’une caméra en direct de la Simeonstiftplatz de Trèves, où piétons et bus défilent. Trèves ? C’est la ville natale de Karl Marx, bien sûr, et c’est donc à lui qu’est consacré le second écran. Se succèdent dans ce travail vidéo d’une petite heure des images principalement constituées d’entretiens réalisés par les artistes, entrecoupées de larges extraits d’une récente conférence de Jacques Steiwer sur « les concepts fondamentaux du marxisme ». Très à l’aise, l’ex-enseignant et désormais romancier y décortique notre société et son fonctionnement capitaliste, en expliquant en quoi la pensée du philosophe à l’origine du communisme est encore actuelle.
Grâce à un montage efficace, les thèmes développés par Steiwer sont « commentés » par des interventions d’acteurs de la société civile qui passent en revue leurs initiatives citoyennes. Cela va de la plateforme Ad-hoc, qui promeut l’habitat participatif comme alternative à la propriété ou la location, au projet de jardins partagés du Centre for Ecological Learning Luxembourg (Cell), en passant par le wandel.BAR, autre projet du Cell, consacré à la fabrication maison de produits de consommation courante. Tout l’écosystème de la transition au Luxembourg, en somme, en écho aux théories de Marx. À partir d’un concept clé, l’aliénation, Baltzer et Bisagno injectent un peu d’espoir dans ce monde de brutes capitalistes, en quelque sorte.
S’y ajoutent quelques séquences sur le revirement idéologique qui a transformé la figure de l’illustre Trivien en atout marketing pour le tourisme, que ce soit dans sa cité natale ou à Chemnitz, où se trouve son célèbre buste de sept mètres de haut. La « Déformation » du titre de l’exposition, c’est donc autant celle qui marchandise le penseur communiste que celle qui, de la part de multiples acteurs citoyens, essaye de tordre le bras à la toute-puissance capitaliste pour créer des liens… et pas de la monnaie.
La réalisation de l’ensemble est aussi soignée que le permettent certaines images à la résolution un peu basse, et le message passe clairement. Seulement voilà : se posent les questions de la valeur artistique (nous sommes tout de même dans un forum d’art contemporain) et de l’efficacité de cette œuvre. Car, d’une part, on a bien du mal à la distinguer d’un reportage stylisé et, d’autre part, ce bouillonnement d’initiatives décrit sera certainement apprécié des personnes déjà converties… tout en indifférant les adeptes du capitalisme ubiquitaire. Dès lors, il aurait peut-être fallu plus de combativité dans la réalisation ou plus de punch dans les interventions des interlocutrices et interlocuteurs. Plutôt que d’expliquer avec une quasi-conférence agrémentée de témoignages, il aurait peut-être aussi été nécessaire de procéder par métaphores artistiques.
L’indication « à suivre… » à la fin du film laisse cependant entrevoir d’autres images, ce que confirme le Casino : le projet « évoluera au fil des deux mois d’exposition mais continuera au-delà, dans une perspective à longue échéance ». On croise les doigts, alors, puisque le sujet en vaut la chandelle.
Au Casino, jusqu’au 28 mai.
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