GUILLERMO DEL TORO: Dans les dédales de l’Espagne franquiste

Guillermo del Toro s’attaque à nouveau au franquisme. En utilisant avec talent le fantastique et l’horreur, il dépeint de manière originale mais juste l’inhumanité du fascisme.

Coup dur pour le capitaine fasciste Vidal (Sergi Lopez): les résistants au franquisme ont réussi leur acte de sabotage.

Espagne, 1944. Carmen (Ariadna Gil) rejoint son nouvel époux, Vidal (Sergi Lopez), capitaine de l’armée franquiste, en poste dans une région montagneuse et reculée d’où il doit déloger un groupe de résistants antifascistes. Elle est accompagnée de sa fille Ofelia (Ivana Baquero), issue d’une première union, mais dont le père n’a pas survécu à la guerre civile.

Cette nouvelle vie n’enthousiasme guère Ofelia. Son beau-père est une incarnation du fascisme à lui tout seul: inhumain, autoritaire et d’une violence inouïe. L’union entre Carmen et Vidal ne relève d’ailleurs pas de profonds sentiments amoureux. Si le capitaine offre à une jeune veuve et à sa fille logis et sécurité, il attend en échange la naissance de son fils, indispensable à la survie de sa lignée, et que Carmen porte déjà en elle.

Non loin de la ferme réquisitionnée par la brigade franquiste se trouvent les ruines d’un labyrinthe que la petite Ofelia, lectrice assidue de contes de fées, ne tarde pas à découvrir. C’est là qu’elle recontre le faune, personnage champêtre issu de la mythologie gréco-romaine, qui va lui révéler son destin onirique: Ofelia est en vérité la princesse Moana, fille du roi d’un royaume disparu et qui attend depuis des siècles son retour. Pour ce faire, Ofelia/Moana doit surmonter trois défis périlleux.

„Le Labyrinthe de Pan“ s’inscrit dans le droit fil de „L’échine du diable“ de 2001, dans lequel le réalisateur mexicain Guillermo del Toro thématisait déjà la guerre d’Espagne sous forme de récit fantastique. Cette fois-ci, ce ne sont pas des fantômes qui viennent hanter les protagonistes, mais des créatures auxquelles Ofelia est confrontée et qui sortent tout droit d’un bestiaire fantasmagorique.

Mais il ne faut pas s’y tromper: l’élément fantastique et horrifiant du film sert surtout à souligner la monstruosité du réel, incarnée par la brigade fasciste. Même la partie „réaliste“ du récit obéit au canevas d’un conte manichéen. Le capitaine Vidal, qui est en fait bien plus effrayant que les monstres rencontrés par Ofelia, est littéralement diabolique. Séduisant et sadique à la fois, il commande sa soldatesque de diablotins fascistes bêtes et disgracieux. A l’opposé, les résistants sont jeunes, beaux et courageux, aidés en cachette par Mercedes (Maribel Verdú), la belle servante de Vidal et par son médecin, l’intègre docteur Ferreira (Ålex Ångulo).

Les séquences fantastiques qui sont assez prenantes, notamment la scène de l’ogre mangeur d’enfants, sont plus rares. En fait, les scènes les plus dures, comme les sévices infligés par Vidal aux „rouges“, se déroulent dans le réel. Del Toro recourt d’ailleurs tout au long du film aux parallélismes et symétries. Ainsi, la scène finale où Vidal, imbibé d’alcool, poursuit Ofelia en titubant, fait écho à celle où elle doit s’échapper de l’antre de l’ogre dont la démarche est tout aussi hésitante.

Les deux récits se rejoignent aussi dans ce qui est certainement la thématique centrale du film: le choix. Le choix d’être fasciste de la tête aux pieds, tout comme le choix de résister au franquisme d’après la guerre civile, au péril de la torture et de la mort. Ofelia, dans son monde onirique à la fois échappatoire et miroir d’une cruelle réalité, choisit délibérément d’entrer dans le labyrinthe et deux des trois défis la mettent devant des choix cruciaux pour atteindre son but.

Dans sa dernière réalisation, del Toro fait preuve d’un réel talent. Si l’originalité du récit ne fait aucun doute, elle est entâchée par une fluidité narrative qui à certains moments semble hasardeuse. Mais la qualité du film doit aussi beaucoup à l’interprétation impeccable de Maribel Verdú et de Sergi Lopez. Ce sympathique Catalan incarne le Mal comme s’il déjeunait régulièrement avec Satan. Reste Ivana Baquero qui, malgré son jeune âge, est véritablement convaincante et prometteuse.

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„El laberinto del fauno“,
à l’Utopia


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