RICHES AU LUXEMBOURG: Le dixième décile

L’image des « riches » que dessine une étude du Ceps va à l’encontre des clichés, mais apporte des informations intéressantes sur un sujet négligé.

Régulièrement, des partis et des syndicats de gauche critiquent le fait que bien des statistiques et des rapports sont consacrés à l’étude de la pauvreté, mais que l’autre bout de l’échelle des revenus est laissé dans l’ombre. Avec la publication d’une double page sur « Les `hauts revenus‘ au Luxembourg », le Centre d’études de populations, de pauvreté et de politiques socio-économiques (Ceps) soulève enfin un coin du voile. L’auteur Frédéric Berger s’est concentré sur la tranche des 10 % de la population ayant les revenus nets disponibles les plus élevés, appelée dixième décile.

Premier constat : la différence de revenus entre riches et pauvres est significative. Ainsi, les 10 % les mieux lotis disposent de 23 % des revenus nets disponibles, à comparer avec les 4 % qui restent pour le premier décile. Autres chiffres qui devraient calmer l’ardeur des pourfendeurs de l’Etat providence : quand on trouve indécent que les pauvres du Luxembourg aient des revenus supérieurs à ceux de leurs pairs des pays voisins, il faut savoir qu’il en est de même pour les riches. En effet, le seuil de revenu pour faire partie du dixième décile luxembourgeois se situe à un niveau presque double de celui en France et en Belgique.

De manière un peu surprenante, une part non négligeable des revenus des 10 % les plus riches proviennent de transferts de la protection sociale. Avec 11 % du revenu, cette part est cependant moins importante que les 27 % que ces transferts représentent pour le reste de la population. Côté prélèvements, on constate que le dixième décile bénéficie d’un quart de l’ensemble des revenus bruts, qui n’est donc que peu entamé (deux points de pourcentage) quand on passe aux revenus nets. Dans l’ensemble, cela confirme que la redistribution au Luxembourg brasse des masses importantes d’argent, mais que l’effet de transfert des riches vers les pauvres est faible en proportion.

Les rendements de placements mobiliers et immobiliers constituent une autre source de revenu surreprésentée chez les riches avec 5 % contre 2 % du revenu chez le reste de la population. L’auteur met en garde que la collecte de ces données « reste toujours hasardeuse car les détenteurs de ce type de revenus montrent des difficultés ou des réserves à les déclarer ». Même fortement sous-évalués, ces revenus sont ceux où les inégalités sont les plus prononcées : le dixième décile bénéficie de 45 % de l’ensemble des revenus du patrimoine, alors que le premier décile n’en tient que 1 %. D’un autre côté, les 10 % les plus riches collent mal avec le cliché du rentier spéculateur : 75 % des personnes concernées ont une activité rémunérée, bien plus que la moyenne de la population.

Même la version moderne de l’épouvantail capitaliste, le manager nourri de stock-options et de commissions, est minoritaire dans ce groupe de population. Un bon tiers des « riches » sont fonctionnaires internationaux, un cinquième fonctionnaires nationaux, et seulement 14 % sont des employés privés, en plus des 16 % d’indépendants. Avec tout au plus 3 % de représentants de « la classe bourgeoise » parmi la population totale, il va falloir faire ses adieux à la lutte des classes style 19e siècle.

Il est vrai que le nombre important de fonctionnaires est lié au fait que le dixième décile – revenu annuel supérieur à 56.280 euros par unité de consommation du ménage – englobe une partie des classes moyennes supérieures. Il serait intéressant d’étudier non pas le dixième décile, mais le centième centile – les quelques milliers de résidents luxembourgeois à revenu très élevé. Hélas, le travail du Ceps est basé sur un échantillon de 3.500 ménages, et la représentativité statistique ne serait plus donnée sur les 35 ménages restants.

www.ceps.lu/vivre


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