Cédric Klapisch : L’exception culturelle


Ah ! les films de vignoble… Une spécialité bien française, souvent plutôt déclinée en téléfilms où seule la diversité des terroirs tient lieu d’originalité. Malgré un début un peu poussif, « Ce qui nous lie » parvient à sortir du lot, sans pourtant fortement enthousiasmer.

Après les funérailles du père, la fratrie renforce ses liens grâce à l’exploitation familiale.

Après sa trilogie consacrée à l’insouciante jeunesse étudiante qui a bien du mal à trouver une certaine stabilité dans la vie (« L’auberge espagnole » et ses deux suites), Cédric Klapisch s’attaque à un thème qu’on pourrait qualifier de patrimonial. Car attention, il est ici question de vignoble, un sujet particulièrement sérieux dans l’Hexagone, et le réalisateur a poussé l’authenticité jusqu’à tourner sur une période d’un an afin de rendre au mieux la marche des saisons à l’écran.

L’argument n’est pas bien compliqué : Jean revient dans sa Bourgogne natale, qu’il a quittée il y a des années, pour assister aux derniers jours de son père. Il y retrouve Juliette et Jérémie, sa sœur et son frère, à qui il n’a quasiment pas donné de nouvelles depuis son départ. La fratrie devra donc réapprendre à se lier, face à la difficulté de régler la succession et la nécessité de ne pas cesser la production de vin. Dans la vigne aussi, le spectacle doit continuer. Malgré les obstacles que rencontre chacun : le manque de confiance en soi de Juliette, le beau-père tyrannique de Jérémie et un petit garçon resté en Australie avec sa mère pour Jean.

On aurait beau jeu de reprocher à Klapisch de chercher à nous émouvoir à outrance. Après tout, il use et abuse de flash-back sur fond de musique assourdissante et mélancolique. Et c’est vrai, le début du film s’étire en longueur dans une exposition où le réalisateur, manifestement fasciné par le travail viticole, essaye de nous le présenter dans toute sa technicité et tout son vocabulaire. Mais la sympathique scène du gentil papa qui fait goûter du vin à ses jeunes enfants (ils n’en ont pas l’âge, évidemment, mais chut ! le vin est un produit du terroir) sonne un peu comme un aveu d’impuissance à montrer la psychologie complexe des personnages adultes. Ce n’est pas une scène de bringue pendant les vendanges qui y changera quoi que ce soit. Après une heure de film, il faut bien le dire, on n’espère plus grand-chose.

Et puis le miracle s’accomplit et le tanin se diffuse. C’est l’arrivée d’Alicia, la compagne de Jean – avec qui il entretient une relation amoureuse compliquée -, qui débloque le film en quelque sorte. À partir de ce moment, Klapisch redevient un habile scrutateur des âmes humaines. La réflexion sur la transmission prend de l’ampleur, même si quelques scènes maladroites persistent, comme celle qui oppose notre sympathique héros dont l’exploitation familiale a été convertie en bio à un méchant pulvérisateur qui s’approche un peu trop de son fils et de ses terres. Mais là, on pardonne au cinéaste, car ses personnages ont enfin pris du corps, tel un bon vin. Il applique très certainement cet adage un rien éculé qu’on retrouve dans le film : « L’amour, c’est comme la vigne. Ça a besoin de temps. »

Finalement, on pardonnera même le dénouement heureux un peu béat tant on s’est attaché aux personnages, joués par un beau trio de jeunes acteurs (Ana Girardot, Pio Marmai et François Civil). Mais il aura tout de même fallu supporter une heure d’exposition quelquefois à la limite du mièvre. Le bilan est donc mi-figue… mi-raisin, mais la puissance combinée des paysages de vignes bourguignonnes et des relations humaines évoquées fait tout même pencher la balance du bon côté.

Au Kinepolis Kirchberg. Tous les horaires sur le site.

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