Que des cinéastes s’inspirent d’un fait divers est fréquent. Mais ce film-ci est un cas particulier. Tout commence le 14 avril 1999, quand l'“Alternative Women’s Institute Calendar“ est lancé dans le pub d’un petit village du Yorkshire …
Un calendrier à vocation caritative. Onze photographies de femmes y illustrent les mois de l’année, avec une photo de groupe pour décembre. Spécificité de l’édition 1999: les modèles, d’un âge mûr, posent nus (!) tout en s’adonnant aux traditionnelles activités illustrées par les éditions précédentes – confection de pâtisseries, élaboration de décors floraux et autres tâches domestiques …
Cette édition „inhabituelle“ crée l’événement et fait exploser les ventes, donc les bénéfices, destinés, en fait, au Fonds britannique de recherche contre la leucémie. Très rapidement ce succès retentissant va dépasser les frontières du Royaume-Uni. Les inspiratrices, voire conspiratrices de ce projet innovateur, Angela Baker et Tricia Stewart, sont rapidement dépassées par l’ampleur du succès, dont elles n’avaient pas anticipé les conséquences …
Suzanne Mackie, productrice de film, se rend dans le pittoresque village anglais où cette idée, pour le moins excentrique, est née, afin de rencontrer les véritables „Calendar girls“. Il s’agit de les convaincre de porter leur histoire peu commune au grand écran. Après quelques réticences à confier leur aventure aux studios hollywoodiens, les deux femmes acceptent, tout en négociant le droit d’assister au tournage.
Un premier scénario, écrit par Juliette Towhidi, manque quelque peu d’humour. Tim Firth y rémédiera dans le scénario définitif. L’équipe fait alors appel à Nigel Cole, réputé tant pour son théâtre davant-garde que pour ses films publicitaires, afin de réaliser cette comédie romantique. Dès son premier long métrage „Save Grace“, le cinéaste avait séduit par un savant dosage de comédie et de drame, d’humour et d’émotion, faisant passer les spectateurs du rire aux larmes et inversément, sans négliger la gravité du propos.
Même si les situations cocasses se succèdent alors que s’effeuillent les pages du calendrier, la réalisation de Cole a su conserver l’esprit originel du projet: le résultat distille un humour décapant, mais subtil, tout en relatant une histoire douloureuse. L’idée de poser nu-e n’est en effet nullement gratuite: il s’agit là d’un hommage à John, l’époux d’Angela Baker, emporté par une leucémie, et qui clamait: „Les femmes du Yorkshire sont comme les fleurs. La dernière étape de l’épanouissement d’une fleur est la plus glorieuse de toutes.“
Le film, émouvant et puissant, souligne la solidarité et l’amitié qui unissent ces femmes face aux épreuves de la vie. Soudées par leurs activités au sein du „Women’s Institute“, une association de bienfaisance qui défend les grandes causes, elles se battent en faisant des confitures ou en tricotant des ouvrages.
Clin d’oeil au passage: les authentiques „Calendar girls“ font une brève apparition dans le film; en tant qu’adversaires battues et dépitées du concours annuel du meilleur pudding … c’est vous dire.
Pour illustrer cette histoire vraie, les producteurs et le réalisateur ont rassemblé quelques-unes des meilleures actrices britanniques. Assistées en toute complicité par leurs pairs d’origine, elles interprètent leurs rôles avec conviction et authenticité. Ashley Rowe, directeur de la photographie, a su merveilleusement illustrer les contrastes, tant émotionnels que culturels, entre la campagne anglaise et le mythe hollywoodien, en ayant recours à des astuces inspirées des westerns, tels les bas nylon fixés sur les objectifs pour recréer la douceur impressionnante du verdoyant Yorkshire.
Le film, dans un subtil triptyque, pose le décor, relate les péripéties d’un projet insolite, tout en soulignant les conséquences, bonnes et mauvaises, de cette aventure rocambolesque qui a inspiré bien des calendriers depuis, des pompiers aux sages-femmes. Leur succès n’a d’ailleurs pas livré ces femmes à la gloire et son cortège de rançons, mais les a plutôt ramenées à elles-mêmes …
Cest probablement ce qui a plu au couple du chancelier allemand Schroeder, qui a acclamé avec insistance ce film lors de sa projection dans le cadre de la dernière édition du festival de Locarno.