Tous les ans, au mois d’octobre, le Luxembourg refait son deuil des victimes de la 2e Guerre mondiale. Au-delà de ce rituel institutionnalisé, la recherche historique pourrait désormais obtenir un cadre … universitaire.
Début du mois, la commission parlementaire des Institutions s’est penchée sur deux motions qui avaient donné lieu à des discussion lors du débat autour de la création d’un „Centre national de la Résistance“. L’une d’elles avait en fait déjà été adoptée par la Chambre. Elle invitait le gouvernement „à mettre en place des structures scientifiques de recherche historique aptes à étudier la 2e Guerre mondiale dans toute son étendue et sous toutes ses facettes“.
Si la motion en question avait, après l’assentiment explicite du ministre d’Etat, trouvé le soutien unanime de la Chambre, cette cohésion traduit en fait le malaise qu’avait soulevé le projet du „Centre national de la Résistance“. Non pas qu’on ait douté de la nécessité de doter d’une base légale ce centre, qui oeuvrait déjà depuis quelque temps sous les apanages du Conseil national de la Résistance. La légitimité de vouloir donner à l’entretien du souvenir une continuité au-delà de l’espérance de vie des survivant-e-s a été reconnue sur tous les bancs politiques. Mais cette reconnaissance ne délie pas de la nécessité de se donner, enfin, les moyens d’une recherche scientifique sur la 2e Guerre mondiale. Il faut explorer scientifiquement la dimension de la collaboration, de l’antisémitisme luxembourgeois ou du fondement idéologique des organisations de résistance. Or, si dans les pays qui nous entourent, la recherche historique sur cette période noire s’est déjà fondue dans une historiographie du 20e siècle et même du „temps présent“, le Luxembourg est entré au 21e siècle sans faire preuve d’un „Geschichtsbewusstsein“ très poussé.
Le point de vue restreint qui a mené à la création du Centre national de la Résistance pourrait cependant avoir du bon. Si le gouvernement est réellement disposé à donner des suites à la motion susmentionnée, il devra oeuvrer à la création d’une deuxième structure, provoquant de ce fait une différenciation plus nette entre souvenir et histoire. Différenciation qu’a d’ailleurs relevée Denis Scuto, un des historiens invités à la réunion de la commission parlementaire. Un nouveau „Centre de recherche historique“ aurait donc une mission non pas concurrentielle, mais complémentaire à celle du Centre national de la Résistance.
Ce qui importe, c’est de devenir enfin plus concret. Dans les débats du début de l’année, le terme „université“ était déjà tombé, et la motion avait également invité le gouvernement à étudier les possibilités d’intégrer un tel centre de recherche dans les nouvelles structures universitaires. Avec la mise en place du projet de l’université, il devient de plus en plus urgent d’y réfléchir. Pour le moment, une telle réflexion est entravée par le fait que le gouvernement autant que le parlement soulignent le caractère autonome de l’institution universitaire.
On pourrait rétorquer que l’autonomie n’est pas mise en cause par une incitation financière de l’Etat. Au-delà de cette question délicate, il reste cependant du pain sur la planche des instances politiques. Il n’y a pas de recherche historique sans archives. Or, comme s’est fait expliquer la commission, le Luxembourg manque cruellement d’une loi sur l’obligation des administrations, étatiques autant que communales, de préserver leurs archives. Une grande partie des documents historiques – notamment du temps de la Guerre – a déjà été détruite. Néanmoins une loi créant une obligation de conservation pourrait contribuer à garder la mémoire et à reconstituer l’histoire.