Le DP tourne le dos à son bourgmestre de la capitale au profit de la valeur sûre Lydie Polfer. Un choix risqué, mais ô combien symbolique.
Il y a quelques mois encore, Paul Helminger tenait bon lorsqu’on lui a posé la question s’il allait à nouveau se présenter en tant que tête de liste de son parti aux élections communales. Lundi, lors des débats autour du budget communal, le bourgmestre a fait volte-face: il n’est plus candidat à sa propre succession.
Ce qui s’est déroulé entre-temps est un processus de déchirement interne qui est étonnant pour un parti de l’envergure et de la tradition d’un DP. La question de la succession Helminger a vite débordé du niveau communal pour diviser le parti entier. Comme si le bourgmestre devait faire les frais de la défaite électorale nationale.
L’alternative paraît evidente: une candidature Lydie Polfer prendra toute chance à celles d’une Anne Brasseur ou même d’un Xavier Bettel. Mais la victoire interne de l’aile Polfer laisse deviner une stratégie pour le moins naï ve: sauver la ville, un des dernièrs bastions du parti libéral, en recourant à une valeur sûre plutôt qu’à un bourgmestre sortant peu aimé et malchanceux lors des élections nationales. Les stratèges qui ont concocté ce plan semblent peu soucieux de l’image que donnent ainsi les libéraux d’eux-même: celle d’un parti qui ne soutient plus sa propre politique des dernières six années; celle d’un parti qui au lieu de soutenir son représentant, le laisse tomber en optant pour une solution de facilité; celle, enfin, d’un parti divisé autour d’une querelle de personnes.
Evidemment on peut reprocher à Paul Helminger d’avoir fait des erreurs politiques. Après sa défaite électorale en juin, il a admis lui-même vis-à-vis du woxx qu’il aurait dû „mieux vendre sa politique“. Au-delà de ces problèmes de communication, le bourgmestre et son équipe sont aussi responsables d’erreurs stratégiques, comme la mise en place à reculons du système du parking résidentiel. Les adversaires politiques reprochent à Helminger d’avoir gagné les dernières élections en sacrifiant le projet vital du tram interurbain, ou d’avoir délaissé des projets sociaux comme celui de la „Fixerstuff“ pour plaire à un certain lobby commercial bourgeois. Mais dans d’autres dossiers, le technocrate a certainement fait avancer la ville. Les mesures prises en matière de développement urbain ont révélé un bourgmestre moderne, concevant sa tâche comme un manager, et qui ne manquait pas de cran pour transposer des concepts de modernisation au prix de choquer son électorat, voire même ses collègues au gouvernement, lorsqu’il attaquait le projet de la cité judiciaire.
Une griffe tout à fait différente de celle d’une Lydie Polfer, qui pendant dix-huit ans de règne sur la capitale a plutôt fait preuve d’une politique du laisser-faire, de l’immobilisme et des belles paroles. Un style qui s’est d’ailleurs manifesté au public national lors de sa prestation en tant que ministre des affaires étrangères.
Le fait que le parti libéral mise maintenant sur elle au lieu de Helminger est tout à fait symbolique. Le DP préfère retourner au 20e siècle plutôt que de moderniser son style politique. Au lieu d’un débat interne qui fasse surgir des concepts politiques concrets et innovateurs, c’est la chanson qu’on connaî t: nous n’avons rien à dire, mais nous voulons des postes. Le risque que cette stratégie échoue est grand, même avec un poids lourd politique comme Lydie Polfer. A un parti libéral sans profil, les électeurs et électrices pourraient préférer un hard liner conservateur comme Laurent Mosar ou un parti en vogue comme les Verts. Et ainsi la querelle libérale n’est peut-être que l’expression d’une crise plus globale du libéralisme luxembourgeois – et d’ailleurs européen.