CRISE DE L’UNION: Cherche Européen-ne désespérément

Derrière des discours pro-européens peuvent se cacher des égoï smes nationaux. Face à cela, l’émergence d’une gauche pro-européenne unie se fait attendre.

En ce début d’année, Jean-Claude Juncker est un partenaire très prisé des médias nationaux et internationaux. Cela découle en partie de ce qu’il s’exprime couramment en allemand et en français. De plus, il est le plus ancien des chefs de gouvernement en exercice de l’Union européenne, alors que celle-ci traverse une grave crise. Enfin, il jouit d’une image d’Européen modèle.

Cette dernière qualité est largement usurpée. Certes, pendant le débat précédant le référendum sur la constitution européenne, Juncker avait vivement critiqué les partisan-e-s du non. Il leur reprochait notamment de s’opposer à une Europe de paix et de solidarité. Mais déjà alors, il n’avait pas hésité à vanter également la constitution comme un instrument pour la sauvegarde des intérêts nationaux – un argument ciblé sur les euro-sceptiques du camp conservateur.

Et alors que Juncker continue à expliquer combien l’élargissement à l’Est de l’Union constitue une „success story“, ses actes démentent ses paroles. Ainsi, lors de la bataille rangée sur le budget européen en 2005, il ne s’était guère préoccupé des demandes des nouveaux Etats membres. Or, il devient de plus en plus évident que le budget négocié alors est notoirement insuffisant pour pouvoir mener à bien l’intégration de ces pays et de réitérer le succès de l’adhésion de pays comme le Portugal et la Grèce. Pire, le gouvernement luxembourgeois, comme la plupart de ses pairs, a rigoureusement limité l’accès des citoyens des nouveaux pays adhérents au marché du travail. Enfin, alors qu’une perspective d’adhésion crédible pour les pays du Balkan et la Turquie serait sans doute importante pour la paix et la démocratie dans ces régions, Juncker est de ceux qui repoussent indéfiniment les élargissements futurs.

Entretemps, de grandes manoeuvres se préparent. Fin janvier, l’Espagne et le Luxembourg organiseront une rencontre des pays ayant ratifié la constitution. Cette réunion est supposée faire des propositions sur base desquelles la présidence allemande tentera de relancer la dynamique brisée par les non français et néerlandais. Les déclarations fumeuses de Juncker laissent penser qu’il est favorable au maintien de tous les volets du texte proposé lors des référendums de 2005, quitte à y rajouter des avancées dans le domaine social.

Mais ce qui a l’apparence d’une „constitution améliorée“ pourraî t n’être qu’un arrangement entre les Etats pour sauvegarder les aspects de la constitution qui les intéressent: réforme des institutions, mais aussi collaboration militaire, lutte contre l’immigration et approvisionnement en énergie. Cela se ferait aux dépens des modestes avancées démocratiques prévues dans le texte d’origine. Et surtout, on essayerait d’éviter une nouvelle procédure référendaire, en remplaçant le terme de „constitution“ par celui de „traité“.

Il est vrai qu’en face, la gauche pro-européenne et alter-européenne ne fait pas le poids, paralysée par ses divisions et ses rancunes. D’un côté, les partisan-e-s du „oui critique“ auraient besoin d’allié-e-s à gauche pour pousser vers un approfondissement de l’Union dans les domaines économiques et sociaux. Mais comment faire appel aux tenant-e-s du non, alors que c’est eux qui ont „tout gâché“ en combattant un texte considéré comme „le moins pire possible“.

De l’autre côté, les partisan-e-s du „non européen“ ne peuvent pas se contenter d’un ajournement sine die du processus de construction actuel s’ils veulent vraiment faire émerger une „autre Europe“. Mais pour amorcer une reconstruction allant dans ce sens, ils doivent s’allier avec les „oui critiques“ – les „traîtres“, comme ils les appelaient.

Ni les uns, ni les autres ne semblent sérieusement envisager un tel rapprochement. L’affirmation d’une identité partisane semble importer plus que les convictions européennes. Cela laisse la voie libre à la droite, et n’augure rien de bon.


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