WOODY ALLEN: Poison nostalgique

Enfin un nouveau Woody Allen et qu’il est bon ! « Midnight in Paris » est autant un clin d’oeil ironique aux relations franco-américaines qu’une introspection philosophique et une ode à l'(anti-)nostalgie.

Les ballades nocturnes à Paris réservent bien des surprises…

Gil Pender a tout pour être heureux : sa fiançée Ines est belle comme le jour, ses beaux-parents sont fortunés et son boulot de scénariste hollywoodien lui rapporte gros. Vu sous cet angle, son petit spleen qu’il développe lors de ses vacances communes avec son amour et ses beaux-parents à Paris peut paraître comme un pur luxe. Car qui n’a pas rêvé de devenir romancier dans la capitale française ? Qui n’a pas succombé à la nostalgie des années 20 à Paris, où l’on pouvait croiser Picasso dans le salon de Gertrude Stein ou boire avec Hemingway et se laisser entraîner par le glamour de Francis Scott Fitzgerald et sa femme Zelda ?

Pourtant, cette nostalgie va bientôt se muer dans quelque chose de plus pesant pour Gil. Premièrement à cause de l’incompréhension qu’y opposent aussi bien ses beaux-parents – surtout le père, adepte des Tea Parties – et sa fiançée qui préfère le glamour superficiel de l’époque contemporaine aux rêveries de Gil qui se croit romancier. Et alors qu’Ines s’entiche de plus en plus de Paul, une vieille connaissance croisée par hasard dans un restaurant parisien, Gil se laisse aller à ses phantasmes. Surtout qu’il est de plus en plus ennuyé par Paul, une sorte de Wikipédia à deux jambes qui ne peut s’empêcher d’étaler sa science à tout moment. Et un soir, le miracle arrive : Alors qu’il a laissé Ines en compagnie de Paul et de sa femme, il déambule dans les rues parisiennes nocturnes. Grisé par un verre de vin de trop, il se repose sur les marches d’une église et aux douze coups de minuit surgit un vieux taxi d’époque. Les passagers ne tardent pas à inviter Gil à une fête mystérieuse. Là, il va se rendre compte que ses hôtes ne sont personne d’autre que Zelda et Francis Scott Fitzgerald en personne et que le type derrière le piano se trouve être un certain Cole Porter. Au début, Gil ne comprend pas ce qui lui arrive, puisque le lendemain, il se réveille aux côtés d’Ines et, surtout, en 2010. Mais au cours des soirées à venir, il va reprendre le taxi mystérieux et se rapprocher de son rêve nostalgique alors que pendant ses journées, la distance entre Ines et lui se creuse de plus en plus. Le tout va vers son comble lorsqu’il tombe amoureux d’Adriana, la muse de Picasso, Braque et Heming-way. Mais ce sera aussi à travers elle qu’il retrouvera le courage d’abandonner finalement son spleen nostalgique et de vivre sa vie dans le présent.

Ce qui frappe d’emblée dans « Midnight in Paris », c’est le talent indéniable – et souvent sous-estimé – d’Owen Wilson. Certes, avec un scénario écrit par Woody Allen il a dû se rapprocher de son personnage, mais le « Gil » qu’il campe est tellement proche de Woody Allen, son phrasé, ses gestes et même ses regards, que si on garde les yeux fermés pour un instant on pourrait jurer entendre le jeune Woody des débuts. A part cela, le scénario imaginé par le vieux maître est parfait : constitué de plusieurs couches et d’histoires parallèles, il mobilise certes presque tous les clichés qu’on peut se faire de la vie parisienne, mais il sait très bien les utiliser pour faire passer un message hautement philosophique : la nostalgie, c’est peut-être bien pour un instant, mais elle reste surtout un déni du présent et donc de la réalité. En somme, il réussit à faire un film totalement anti-conservateur en ne faisant parler que des clichés romantiques et arriérés.

Après la débâcle de « Vicky Cristina Barcelona », Allen réussit son film sur Paris en nous faisant rire, pleurer et penser en même temps. Et mis à part les apparitions d’une certaine Carla Bruni, dont le film aurait très bien pu se passer, c’est un vrai chef d’oeuvre.

À la Cinémathèque.


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