Dans deux questions parlementaires posées avant OpenLux, les députés Paul Galles, Mars Di Bartolomeo et Dan Biancalana se sont intéressés au sort des asbl, qui tombent aussi sous le régime antiblanchiment. Les réponses réservent quelques surprises.
C’est une histoire de perspective : alors que l’enquête OpenLux a révélé qu’au moins 6.500 milliards d’euros étaient gérés entre autres dans des soparfis à partir du grand-duché, les députés conservateurs et socialistes s’intéressent eux aux associations sans but lucratif, qui doivent s’inscrire au même registre des bénéficiaires effectifs (RBE) – et risquent les mêmes amendes, allant jusqu’à 1,25 million d’euros. Si certaines de ces asbl peuvent cacher de gros budgets, leur priorisation tient avant tout au fait que les politiciens pensent dans ce cas à leur clientèle électorale. C’est compréhensible, vu que les Luxembourgeois-e-s ne viennent qu’à la deuxième place dans leur propre RBE, devancé-e-s par les Français-e-s.
Et ça, ça ne vaut que pour celles et ceux qui se sont inscrit-e-s au RBE – la question de l’exactitude de leurs données en est une tout autre. C’est pourquoi la réponse à la question de Paul Galles est si intéressante. L’étoile montante du CSV a demandé à savoir combien d’entités inscrites sont en règle en ce moment, et ce selon leur forme juridique. Le tableau, que nous reproduisons ici, montre entre autres que tous les établissements publics – donc étatiques – n’ont pas accompli leur devoir : sur les 118 existants, 8 manquent à l’appel. Concernant les soparfis qui prennent la forme juridique d’une société anonyme (SA), d’une société à responsabilité limitée (sàrl) ou encore d’une société en commandite par actions (SCA), elles ne sont pas listées séparément – mais on compte 10.178 des formes précitées qui ne sont pas en règle.
Ce qui rend le nombre d’asbl non déclarées relativement faible, avec 2.759 associations qui ne sont pas rentrées dans le rang sur les 8.503 existantes. En pourcentage, cela fait d’elles le quatrième plus mauvais client après les succursales d’un GEIE (groupement européen d’intérêt économique) étranger, les succursales luxembourgeoises de société civile de droit étranger et les mutuelles.
Les asbl ne vont probablement pas se retrouver aussi vite dans la ligne de mire du parquet, qui a commencé ces derniers mois à régulièrement poursuivre des contrevenant-e-s – mais rarement de la « grosse clientèle ». Pourtant, du point de vue pénal, la ministre de la Justice Sam Tanson se montre inflexible : elle défend le LBR et sa politique d’information avant l’activation de la loi sur le RBE et pendant la période transitoire, et elle estime que les amendes sont justifiées. Tanson rappelle juste que « le montant effectif d’une amende prononcée est déterminé par le juge conformément aux mêmes principes généraux applicables pour la détermination de toute amende pénale ». Le club de pêche de pépé ne devrait donc pas devoir s’acquitter de 1,25 million au cas où son secrétaire aurait abandonné devant les affres de la digitalisation. Quant aux autres cas suspects détectés par OpenLux, l’attente se prolonge.