Avec « Im Schatten der Sphinx », le CNL a confié à Jean Delvaux le soin de concevoir sa propre exposition de collages et de livres d’artiste. Un assemblage captivant, pas aussi hétéroclite qu’il n’y paraît de prime abord, où la mythologie côtoie la géométrie euclidienne.
C’est d’abord un vertige qu’on ressent, dès le premier espace d’exposition. Vertige du visiteur devant le foisonnement d’œuvres, de couleurs, de formes, d’objets détournés. Vertige aussi du journaliste qui se demande comment rendre compte en si peu de mots de tant d’exubérance. C’est que les cinq pièces du Centre national de littérature semblent pleines à craquer et leurs vitrines parfois près d’exploser.
Et puis on commence doucement à s’habituer. Ces cinq espaces, Jean Delvaux les a pensés comme les cinq solides de Platon (tétraèdre, hexaèdre, octaèdre, dodécaèdre et icosaèdre) et il a rassemblé ses pièces en conséquence, par affinités. Le choix n’est pas neutre : l’artiste éprouve depuis longtemps une fascination pour l’hellénisme, qu’il fait remonter à ses études de grec ancien auprès d’un professeur charismatique. Devenu professeur lui-même, Delvaux, né en 1949, ne se lance dans la carrière artistique que vers 1995, sur les conseils de son ami peintre Helmut Netolitzky. Autre rencontre essentielle, celle de Francis Van Maele (fondateur notamment des éditions Phi et actuel animateur des éditions d’art Redfoxpress), qui l’oriente vers le monde du livre d’artiste et le publie régulièrement depuis.
Première constatation : Jean Delvaux est un collectionneur compulsif. C’est à partir d’objets variés, qu’il garde depuis des décennies, qu’il conçoit ses œuvres. Ainsi se retrouvent dans les vitrines des morceaux de cartes postales, des boîtes aux contenus divers, des tickets de transports en commun d’origines multiples ou des bobines de fil. Nous voilà donc dans un cabinet de curiosités où chaque objet se trouve transformé, sublimé par un découpage ou un collage.
À travers ces modifications, Delvaux interroge notre époque. Il se base d’abord sur la mythologie, avec par exemple ce jeu de solitaire détourné en labyrinthe du Minotaure ou cette série de collages sur le thème du sphinx, dans lesquels la créature mythique se télescope avec des pin-up découpées pour prendre sa forme. Pur produit de sa libération des valeurs chrétiennes de péché et de chasteté dans lesquelles il a grandi, explique-t-il. Les époques se suivent et se ressemblent, les questions restent les mêmes : les collages à partir d’images de Marilyn Monroe ou des comics de Wonder Woman semblent les pendants parfaits aux faces altières des sphinx précédents. Au fil des salles, présent et passé se mélangent – si l’éclectisme demeure roi dans la forme et le choix des supports et des objets, les thèmes restent étonnamment constants.
Mais l’artiste n’en oublie pas pour autant son autre passion, la littérature. Celle-ci s’invite dans les montages sous forme d’extraits de textes de ses auteurs favoris. Kafka, Borges, Celan ou Baudelaire sont au rendez-vous, tout comme des amis luxembourgeois qui l’inspirent comme Nico Helminger ou Jean Krier, sans oublier, plus rarement, des phrases de Delvaux lui-même. Dans le catalogue de l’exposition, un petit bijou graphique qui complète idéalement la visite, le professeur de lettres met tout de même les points sur les i : « J’ai toujours voulu être peintre, pas écrivain. » Et tant mieux, car cela nous permet d’admirer cette exposition remarquable que le CNL a eu l’excellente idée de lui confier.
Jusqu’au 28 avril 2017 au Centre national de littérature à Mersch.
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