Colocations à Esch : Ne gentrifie pas qui veut

L’imbroglio (presque) pas possible autour des colocations à Esch dissimule assez mal la volonté du bourgmestre et de ses échevin-e-s de « nettoyer » la ville des indésirables à leurs yeux.

© FB Save Co-Housing in Esch

Objectivement, l’embrouillamini causé par la ville d’Esch, dont les employé-e-s communaux ont refusé une autorisation à des personnes désirant s’inscrire en colocation, ne fait aucun sens. Surtout qu’une réponse de la ministre de l’Intérieur à une question parlementaire souligne que le plan d’aménagement général (PAG), invoqué pour motiver ces refus, n’a pas « vocation à réglementer la cohabitation ». Donc, en clair, ce n’est pas à la commune de décider qui peut habiter avec qui.

Le contre-argument du bourgmestre Georges Mischo, selon lequel il s’agirait de lutter contre les logements insalubres et d’autres abus n’est pas valable, puisqu’il dispose déjà d’une loi, celle du 20 décembre 2019, qu’il a votée en tant que député d’opposition. Celle-ci ne lui donne pas seulement le droit de contrôler personnellement des logements, mais aussi d’en ordonner la fermeture en faisant porter au propriétaire les frais de relogement de ses locataires. Nous avons voulu savoir si Georges Mischo avait déjà appliqué cette loi et visité certains des logements insalubres contre lesquels il prétend lutter. Les relations presse de la commune nous ont fait savoir que le bourgmestre ne ferait plus aucun commentaire sur le PAG et nous ont renvoyé sur une campagne d’information en préparation. Mais ce que veut l’opposition, et le mouvement « Save Co-Housing in Esch » qui s’est fondé autour de la question et qui va manifester ce vendredi, c’est l’arrêt immédiat de ces pratiques aussi absurdes que discriminatoires.

Même la fuite en avant de la mairie, qui a déplacé le vote définitif sur le PAG en automne, ne fait pas de sens. La motivation avancée a été d’attendre une loi sur la colocation en préparation au ministère du Logement. Alors pourquoi vouloir « réglementer les colocations et cohabitations » en attendant une loi qui va faire de même – et probablement pas de façon aussi restrictive ?

Devant cette absence de sens, on doit chercher le sens caché. Qui est étonnamment simple : le bourgmestre et son collège échevinal ont voulu forcer une gentrification du centre-ville d’Esch à bas coût. Seulement, ils et elles s’y sont pris de façon tellement maladroite que maintenant, même leurs sympathisant-e-s se rebellent. Comme Frank Engel, chef du CSV, le même parti donc que le bourgmestre, qui a fustigé cette pratique comme « complètement illégale » dans un commentaire sur Facebook.

Mischo fustigé par Frank Engel

S’y ajoute que la lutte contre les logements insalubres à Esch est vraiment importante. Les marchand-e-s de sommeil louent en effet des chambres au-dessus des cafés, souvent non conformes aux règles d’hygiène et de sécurité, à des prix délirants. L’ancienne bourgmestre Vera Spautz, qui en 2004 avait pris en main ce combat en tant qu’échevine, s’en souvient encore : « J’ai visité ces logements avec la police des bâtisses et j’en ai fait évacuer. J’ai négocié aussi bien avec le ministère du Logement qu’avec les grandes brasseries, qui sont très souvent les propriétaires des bâtiments. La situation n’était pas parfaite, mais s’était nettement améliorée », rapporte-t-elle. Et d’ajouter que la loi de décembre 2019 est un outil « qu’elle aurait aimé avoir pour lutter davantage contre le logement insalubre. »

En fin de compte, Mischo s’attaque aussi à l’héritage d’un autre politicien conservateur eschois, François Biltgen. En 2006, en tant que ministre de l’Enseignement supérieur, ce dernier avait lancé le projet de cohabitation étudiante et senior « Babuschka », auquel la ville d’Esch avait participé avec succès. Mais les temps ont bien changé.


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