L’espoir d’une issue win-win à la crise climatique continue d’être caressé par les acteurs financiers et économiques. Pendant ce temps-là, la température monte…
« Green Cornerstone Bond Fund », c’est le nom de l’outil financier lancé lors de la session de printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale la semaine dernière. Ce fonds, destiné à des projets liés à la lutte contre le réchauffement climatique en Afrique, en Amérique latine, en Europe de l’Est et en Asie centrale, est domicilié au grand-duché. Pierre Gramegna, présent à Washington, est cité dans le communiqué officiel du gouvernement : « En tant que partenaire stratégique du Green Cornerstone Bond Fund, le Luxembourg met en valeur les compétences de la place financière et prend ses responsabilités dans la lutte contre le réchauffement climatique et stratégique. »
Il est vrai que les indices d’une collaboration fructueuse entre les acteurs de la finance et les politiques climatiques ne manquent pas. Ainsi un rapport récent du Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP) constate que le volume des fonds verts a quasiment doublé entre 2015 et 2016. De nombreux acteurs financiers sont également engagés dans l’Energy Transitions Commission, qui vient de présenter une étude concluant qu’« éviter la surchauffe de la planète, tout en stimulant le progrès économique et social, est à notre portée » (« Le Monde »).
Investir dans le « vert », c’est bien beau, mais ne faudrait-il pas surtout cesser d’investir dans le « noir » ? D’après une enquête chez les plus grands gestionnaires de portefeuilles citée par le « Guardian », une majorité de ceux-ci tiendraient désormais compte des risques financiers climatiques. Certains experts évoquent même le spectre d’une crise financière mondiale déclenchée par le changement climatique et pire que la crise de 2008.
Pari(s) perdu
Pourtant, des banques comme JP Morgan Chase ou BNP Paribas – et même la Banque européenne d’investissement – continuent à fournir des capitaux à des sociétés construisant des centrales au charbon, comme l’illustre le cas de l’entreprise polonaise Energa, signalé par Reuters. En exigeant que ces sociétés utilisent l’argent fourni pour d’autres projets, les acteurs financiers respectent en apparence leurs « engagements verts ». Pourtant, il est clair qu’un tel apport d’argent frais facilite aussi les investissements dans la construction de centrales « noires ». Comme quoi la finance, c’est compliqué.
Entre-temps, outre-Atlantique, l’équipe dirigeante autour de Donald Trump délibère sur le prochain pas en matière de politique anticlimat. Après le décret présidentiel du mois dernier, il serait logique que les États-Unis se retirent du traité de Paris, auquel ils s’apprêtent à contrevenir. Mais certains estiment que, plutôt que de faire un éclat diplomatique, le pays pourrait continuer à miner le traité de l’intérieur, sans en souffrir les conséquences. Ce qui confirme les critiques d’un traité qui, parmi d’autres faiblesses, n’a pas prévu de mécanismes sanctionnant les pays cancres.
Enfin, n’oublions pas que le Luxembourg, qui se considère comme bon élève, est aussi parmi les champions de la subvention des énergies fossiles – grâce à sa fiscalité favorable. Abandonner ce type de politique est la revendication principale publiée par les pays du « Climate Vulnerable Forum », deux jours après le lancement du fonds « Green Cornerstone ». Sera-t-elle entendue par le ministre des Finances ?