Dans les salles : A Rainy Day in New York

Étonnant paradoxe que celui du film « A Rainy Day in New York » : lui qui croque à pleines dents dans la Grande Pomme n’y sera probablement jamais projeté. Et c’est bien dommage.

Photo : Mars films

Cette affaire d’abus sexuels présumés aura fini par rattraper Woody Allen dans sa carrière jusqu’ici relativement préservée : « A Rainy Day in New York » ne sortira pas aux États-Unis, remisé sur les étagères par Amazon en pleine tourmente #MeToo. Jamais condamné, le cinéaste paie là une confrontation longue de plus de deux décennies où aucune version des événements n’a pu être prouvée – et peut-être aussi le fait d’être le père de Ronan Farrow, celui par qui l’affaire Weinstein a été confirmée et qui a toujours soutenu sa demi-sœur Dylan Farrow dans ses accusations. Évidemment, on aimerait en évoquant le film évacuer ce contexte non artistique, mais comment se voiler la face ? « A Rainy Day in New York » est né sous des auspices troublés, et il est bien difficile lors de sa vision de ne pas y penser au moins un peu.

Heureusement, après quelques déceptions à l’écran ces dernières années, on retrouve enfin la légèreté et la verve du maître new-yorkais. L’histoire ? Gatsby et Ashleigh planifient une virée à New York en amoureux à l’occasion d’une interview que la jeune femme doit y conduire pour le journal de l’université… et tout part alors dans un maelstrom d’aventures en tous genres. Elle et lui seront rapidement séparés et soumis aux tentations de la grande ville, le tout sous une pluie battante qui semble vouloir s’immiscer dans les moindres replis des vêtements. Le directeur de la photographie Vittorio Stotaro, impeccable, réussit dans ce contexte une belle composition tant à l’extérieur qu’à l’intérieur.

Toujours à l’affût du bon casting, Woody Allen a recruté la récente coqueluche des cinéphiles Timothée Chalamet, qui apporte, en exilé new-yorkais dans une université perdue au nord de l’État, une fraîcheur bienvenue à des dialogues toujours écrits au cordeau. Tout comme ses partenaires Elle Fanning, parfaite en ingénue originaire du lointain Arizona, ou Selena Gomez, troublante à souhait dans son rôle de tentatrice venue du passé de Gatsby. La jeune génération est bien au rendez-vous du cinéaste expérimenté, qui parvient à tirer d’elle des nuances de jeu qu’on ne lui connaissait pas forcément jusqu’ici.

Fidèle à lui-même, Woody Allen dirige actrices et acteurs comme s’il se dirigeait lui-même, leur extirpant un débit de parole rapide, des gestes un peu gauches, un mélange reconnaissable entre tous d’assurance verbale et de timidité physique. Outre les trois protagonistes, Jude Law en scénariste trompé par sa femme a des accents qu’on prêterait sans aucune confusion possible à Allen acteur. Fidèle à lui-même toujours, le cinéaste met dans les dialogues toute l’ironie cinglante dont il est capable pour distiller un petit poison moqueur sur les élites de sa ville – sans oublier un soupçon d’auto-ironie – ou ses collègues du métier. Petit poison seulement, car la critique n’est pas exagérément acerbe, pour maintenir la légèreté de l’ensemble.

Cette toile bien tissée et sans temps morts, servie par une distribution en pleine forme, se révèle donc une délicieuse comédie romantique avec zeste obligé de mélancolie. Une recette qui a si bien réussi à son réalisateur à l’apogée de sa carrière et qu’on a grand plaisir à revoir. Et puis, bien sûr, la balade dans une ville de New York au summum de sa frivolité et de sa séduction est à la fois plaisante et pleine d’émotions. Après quelques errances filmiques, on a retrouvé Woody Allen. Ce serait dommage de s’en priver, même si son distributeur en a décidé autrement outre-Atlantique.

À l’Utopia. Tous les horaires sur le site.

L’évaluation du woxx : XXX


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