Dans les salles : Onoda

« Onoda » raconte une histoire que le monde entier se devait de connaître : celle d’un soldat japonais prêt au combat qui passa trente ans sur une île des Philippines, croyant que la Seconde Guerre mondiale n’était toujours pas terminée.

Un film basé sur des faits historiques : Hiroo Onoda a combattu pendant trente ans après la capitulation de son pays. (Photo : Le Pacte)

Parler du dernier film d’Arthur Harari équivaut tout simplement à narrer l’histoire invraisemblable d’Hiroo Onoda. Ce ne furent pas mille et une nuits, mais dix mille que cet homme passa sur l’île philippine de Lubang ; ce qui représente pas moins de trente années. Ce ne furent pas des années de détente balnéaire, mais trois décennies aveuglément dédiées à une mission militaire dépourvue de tout confort, combattant les aléas climatiques, les maladies et la famine. En 1944, le jeune Hiroo Onoda est envoyé aux Philippines avec l’ordre formel de ne jamais se rendre jusqu’à l’arrivée des renforts devant le plus que probable débarquement des troupes américaines. Avec trois autres soldats, il obéit à ces instructions, ignorant que les combats avaient entre-temps cessé et que le Japon avait capitulé. Pour Onoda, la guerre n’était pas terminée et l’empire du Japon ne pouvait avoir été vaincu. Et lorsque, en pleine guerre du Vietnam, les B-52 américains survolaient la jungle, cela prouvait que les combats continuaient.

Sans s’adonner à cette spectacularité belliciste hollywoodienne lorsqu’il s’agit de mettre en scène un conflit, Arthur Harari nous livre une réalisation technique simple, mais maîtrisée. Il faut dire que le film bénéficie d’une photographie naturelle plaisante, offrant au public une expérience quasi immersive, même si les scènes ont été tournées au Cambodge. Néanmoins, à l’instar de son premier film, « Diamant noir », le réalisateur français construit toute sa narration autour de son personnage principal. Le contraire serait évidemment difficile pour ce film. Le déroulement des événements est ainsi quasiment raconté de façon linéaire, alternant de temps à autre avec quelques analepses qui remémorent les moments d’instruction militaire d’Onoda. Le réalisateur le fait à juste titre, et ce sont des moments clés pour comprendre la personnalité et les motivations du jeune soldat. Celui-ci se soustrait à l’autorité de son père pour se raccrocher à une autre figure, un instructeur militaire auquel il voue une fidélité sans faille jusqu’à la fin du film, le major Yoshimi Taniguchi. Ce dernier inculquait le principe de la « guerre secrète » à ses jeunes recrues, rappelant par moments le bushido, code d’honneur des samouraïs. Ici, pourtant, il n’était pas question de combattre jusqu’à la mort, mais de rester en vie, quoi qu’il en coûte. Harari parvient à semer le trouble chez le spectateur lorsque Onoda se dit conscient que la seule récompense de la « guerre secrète » est celle de l’intégrité, « une gloire sans gloire ». Il est légitime de se questionner : nous trouvons-nous en face d’un louable engagement patriotique, ou alors d’une totale perte de contrôle du réel, et surtout devant un pur lavage de cerveau subi par le soldat ?

Le public retiendra toutefois les moments de camaraderie militaire et le dévouement inébranlable d’Onoda. On reste quelque peu incrédule devant le fait que ce film est reparti bredouille lors de la dernière édition du Festival de Cannes, pour lequel il était en compétition. Il a dû se contenter de l’ouverture de la sélection « Un certain regard ». Sans vouloir divulgâcher la fin du film, celui-ci ne se terminera pas avec les habituels crédits biographiques autour du personnage principal. Le finale est sobre, mais déconcertant, lyriquement parlant. La séance dure presque trois heures, une infinitésimale particule temporelle face au confinement insulaire vécu par le lieutenant Onoda.

À l’Utopia. Tous les horaires sur le site.

L’évaluation du woxx : XXX


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