Dans les salles : West Side Story

On l’aura attendue, cette nouvelle version de « West Side Story » réalisée par Steven Spielberg. Mais même la pandémie n’aurait pu en arrêter le tourbillon de chant et de danse, qui persiste sur la rétine longtemps après la séance.

Une distribution talentueuse où brillent la nouvelle venue Rachel Zegler en Maria, ici avec Ansel Elgort qui joue Tony… (Photos : © 2020 Twentieth Century Fox Film Corporation)

Pourquoi, au fond, revenir à cette histoire jouée d’abord à Broadway et déjà adaptée au cinéma par Robert Wise et Jerome Robbins en 1961, récoltant au passage dix Oscars ? Que peut-elle bien nous dire de notre époque, au-delà du fait qu’elle constitue une madeleine de Proust pour un réalisateur qui n’a plus à faire ses preuves ? Pour esquisser une réponse, il faut se souvenir que le film aurait dû sortir il y a un an, aux alentours de l’élection présidentielle américaine. Comment ne pas voir dans cette rivalité new-yorkaise entre les Jets, Américains d’origine européenne, et les Sharks, immigrés récents de Porto Rico, un parallèle avec les clivages étasuniens exacerbés par la présidence Trump ? L’énergique dissection d’une société encore loin d’être un heureux melting-pot n’a pas pris une ride. Il n’est pas forcément plus facile maintenant pour Maria, portoricaine et associée aux Sharks, de vivre son amour avec Tony, fortement lié aux Jets.

Encore fallait-il ne pas filmer un remake en forme d’hommage béat. La mission est accomplie pour Steven Spielberg. Grâce à son scénariste Tony Kushner, il parvient à changer l’intrigue sans la dénaturer, conservant les chansons et scènes clés, mais en modifiant tantôt la localisation, tantôt le contexte : la scène de bataille entre les bandes, notamment, est transposée dans un entrepôt de sel de la municipalité, ce qui permet des images assez spectaculaires. Et puis Anybodys, qui souhaite se joindre aux Jets, devient un personnage trans – c’était une fille dans la version de 1961. Tout comme Doc, le gérant du drugstore, devient Valentina, sa veuve, qui plus est jouée par Rita Moreno, présente au casting en 1961. D’une manière générale, si le mot « dépoussiérage » revêt un sens usuellement péjoratif pour l’œuvre originelle, c’est bien celui qui conviendrait : « West Side Story » version 2021, même s’il se déroule toujours dans les années 1950, est empreint d’une esthétique et d’un ton plus actuels, sans pourtant trahir son aîné. Les mouvements de caméra virtuoses reflètent bien les moyens obtenus, tout comme la participation de Gustavo Dudamel – crédité très tôt au générique – pour diriger le New York Philharmonic ancre le film dans le star-system d’aujourd’hui.

… mais surtout la formidable Ariana DeBose en Anita.

Jets et Sharks dépoussiérés

Du star-system au glamour : la distribution a été finement choisie pour incarner à l’écran cette beauté et cette jeunesse qui contrastent avec la fin tragique (on ne s’inspire pas de « Roméo et Juliette » pour rigoler, après tout). À commencer par la nouvelle venue Rachel Zegler, à qui incombe la lourde responsabilité de camper Maria, une jeune femme qui aspire à se délivrer des carcans imposés par sa communauté et par la société tout entière. Qu’elle chante, joue ou danse, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle s’en tire avec les honneurs. Les autres actrices et acteurs sont à l’avenant. Mais qu’il soit permis ici de partager un coup de cœur pour une performance exceptionnelle à tous les niveaux : celle d’Ariana DeBose, qui joue Anita, la sœur de Maria – incarnée justement par Rita Moreno en 1961. Elle émerveille par sa présence à l’écran dans un rôle qui requiert de passer de l’exaltation au tragique, peut-être le plus complet du film.

Alors oui, mieux vaut goûter les comédies musicales, classiques qui plus est, pour apprécier « West Side Story », car on y chante et on y danse beaucoup, quoiqu’il y ait tout de même pas mal de dialogues. Mais pour les amateurs et amatrices, a fortiori celles et ceux qui aiment cette formidable partition de Leonard Bernstein sur des lyrics de Stephen Sondheim (décédé il y a à peine un mois), il convient de se précipiter dans les salles. Étonnamment, le film ne semble pas démarrer très fort pour son standing, dépassé même en nombre d’entrées en France par… « Les Tuche 4 ». Sérieusement ? À vos billets !

Tous les horaires sur le site.

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