Élection présidentielle : Match nul ?

Le compte n’y est pas. Pas de victoire nette, ce qui augure mal de la présidence de Joe Biden, même s’il devait gagner.

Un Républicain digne, un autre Républicain… (Official White House Photo by Randy Florendo; PD)

À l’heure de notre bouclage, tout reste possible. Pire même, le résultat définitif de l’élection présidentielle de 2020 risque de n’être connu que plusieurs jours, voire plusieurs semaines après le jour du vote. Un marathon judiciaire s’annonce, pour lequel les deux partis ont déjà lancé des appels aux dons.

Évidemment, cela rappelle l’issue controversée de l’élection présidentielle de 2000, quand Bush avait été déclaré vainqueur suite à la cessation des recomptages ordonnée par la Cour suprême. Mais il y a de multiples différences, à commencer par la manière agressive dont l’actuel leader républicain Donald Trump a accusé ses adversaires de tricher. Cela a polarisé l’opinion et fragilisé les institutions, tout en n’étant pas forcément très efficace sur le plan juridique.

Tout se joue sur le vote par correspondance : les bulletins sont encore en train d’être décomptés dans plusieurs États fédéraux, dans lesquels se déterminera la victoire. Actuellement (jeudi matin), Trump est en tête dans la plupart de ces États, mais dans le contexte de la Covid-19, c’est plutôt l’électorat démocrate qui a voté par correspondance. C’est pourquoi le Parti républicain tentera d’invalider ces bulletins non encore décomptés.

Or, quel que soit le résultat final, cette situation indécise deux jours après les élections est une grosse déception en elle-même. Car on pouvait espérer, conforté en cela par les sondages, qu’une frange modérée de l’électorat rejetterait un président extrémiste et incompétent. À l’annonce d’une participation record, on pouvait aussi croire que cela favoriserait, comme d’habitude, le camp progressiste. Il n’en a rien été, le compte n’y est pas : près de la moitié de l’Amérique reste trumpiste.

C’est de là que découlera le grand dilemme pour Joe Biden, s’il finit par être vainqueur. Au vu de la polarisation du pays, exacerbée par les agissements de Trump, le président démocrate devra jouer un rôle de conciliateur. La nécessaire fermeté face à l’extrême droite ne doit pas faire oublier que les groupes armés et violents qui sèment la pagaille ces jours-ci ne sont que la pointe d’un immense iceberg conservateur – qui mettra longtemps à fondre.

Or, parallèlement à cela, Biden devra mettre en chantier des réformes radicales sur le plan social, économique et sociétal. Alors que, en plus de l’iceberg populaire, il affrontera l’obstacle institutionnel d’un Sénat dominé par le Parti républicain. Les attentes sont immenses, les injustices et les inégalités vécues n’ont guère été abordées sous Obama et se sont aggravées sous Trump. Si Biden hésite, il risque une explosion du mécontentement à gauche, car de nombreuses personnes estiment que le temps de l’attente est dépassé.

Les groupes d’extrême droite qui sèment la pagaille ne sont que la pointe d’un immense iceberg conservateur.

Bien entendu, cette impatience serait portée à son paroxysme si Trump devait gagner. Les progressistes devraient suivre un chemin étroit entre une aile radicale enragée et une aile « réaliste » – et résignée. Le contexte de la pandémie pourrait aussi bien favoriser des ententes anti-Trump avec le Parti républicain que renforcer la banalisation de la violence. Chemin périlleux et long, car à défaut d’un impeachment, il faudrait supporter Trump jusqu’en 2024.

Faut-il donc désespérer ? Pas si Biden l’emporte. On peut rêver que les tentatives insensées et infructueuses de Trump pour rester à la Maison Blanche ébranleront sa crédibilité et celle du Parti républicain. Que la crise de la Covid-19 conduira à une collaboration entre les partis au nom du bien commun. Et que les réformes pour ledit bien commun, comme l’assurance maladie universelle, pourront passer, parallèlement à des campagnes pour faire évoluer la manière de penser des populations conservatrices. Un exercice presque impossible – mais qu’a réussi en son temps le président que Biden a adopté comme modèle, Franklin D. Roosevelt. Tout cela sera-t-il plus qu’un rêve ?

Nos articles passés et à venir sur l’élection présidentielle : woxx.eu/p2020

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