Financer la transition climatique : Le riquiqui de l’industrie

Face au réchauffement global, la modernisation de l’économie a un rôle important à jouer. La Fedil se dit prête, réclame des aides publiques, mais se retrouve dans une impasse conceptuelle.

Le climat d’abord, l’économie ensuite ! Est-ce la leçon à tirer de la crise Covid, durant laquelle la logique économique avait pu être subordonnée aux nécessités sanitaires ? Le patronat, et notamment la Fédération des industriels (Fedil) ne l’entendent pas de cette oreille. Dans une prise de position présentée ce mercredi, cette dernière met en garde : « La politique climatique ne devra pas empêcher l’implantation de nouveaux projets industriels, porteurs de croissance économique et de compétitivité. » De manière plus générale, un article de Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de commerce, rappelle que le développement durable repose à la fois sur l’économie, l’environnemental et le social. « Viser une transition climatique ou énergétique au moyen d’une décroissance économique (…) n’est pas la voie à suivre », estime-t-il.

Le patronat a bien raison. Lors de la crise Covid, plutôt que d’arrêter toute activité pour stopper le virus, les gouvernements ont progressivement établi des règles tenant compte à la fois des besoins sanitaires, économiques et sociaux. De même, vouloir stopper le réchauffement global en arrêtant tout simplement l’activité économique (et donc une grande partie des émissions de CO2) n’est pas la meilleure idée. Les projets de transformation économique et sociale face au changement climatique représentent des approches intégrées, moins simples et plus réalistes à la fois.

Notons que la Fedil ne conteste pas la nécessité des efforts accrus en matière de décarbonisation de l’économie : bien au contraire, elle affirme que « l’industrie elle-même fait partie de la solution ». Pour mener à bien cette transition, l’industrie aurait cependant besoin « d’un cadre juridique bien réfléchi avec des instruments de soutien attractifs ». Parmi les revendications de la Fedil, on trouve des demandes liées à des instruments controversés tels que les permis d’émissions négociables. D’autres points, comme l’introduction d’avantages fiscaux sur les investissements dans la décarbonisation, paraissent tout à fait raisonnables. Mais la bonne foi de la Fedil arrive à ses limites quand elle plaide la cause du « carbon capture and storage » en renvoyant aux « processus dont les émissions sont incompressibles ».

Sans la croissance économique, des politiques écologiques sont-elles un luxe inaccessible ?

L’approche centrée sur la technologie mène ainsi dans une impasse conceptuelle. Cela est encore plus apparent dans l’article de Thelen, qui affirme que le modèle luxembourgeois « vit in fine du dynamisme et de la performance des entreprises », à la base des fonds « distribués à la population et consacrés aux politiques volontaristes (…), dont également celles en matière environnementale ». L’économie serait une sorte de poule aux œufs d’or qu’il conviendrait de ménager, sans quoi des politiques écologiques seraient un luxe inaccessible. L’argumentation date d’une époque révolue, où elle servait à faire accepter les ravages du capitalisme parce que ses profits seuls rendraient possibles des mesures sociales. L’idée du développement durable, au contraire, abolit cette hiérarchie entre l’économie, le social et l’environnemental et mise sur des approches systémiques. Plutôt que de soigner les dégâts causés par des activités économiques, on cherche à éviter ceux-ci, ce qui diminue d’autant le besoin de profitabilité et de croissance du PIB.

Négligé par les chambres de commerce du Luxembourg et d’ailleurs, l’outil pour quantifier ces raisonnements existe : le PIB du bien-être. Là où la logique du PIB classique conduit à des dilemmes entre les avancées environnementales et sociales et les difficultés pécuniaires, le PIB du bien-être permet de rendre compte des « gains » obtenus par ces avancées, qui relativisent alors le besoin de financement de mesures compensatoires. Un tel changement de paradigme affectera peut-être l’industrie – ou plutôt ses propriétaires –, mais le climat et la justice sociale y gagneront.


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