Législation Covid-19 : En attendant le texte complet

La loi sur l’obligation du régime « 3G » sur le lieu de travail n’est toujours pas connue dans ses détails. Il faut se poser la question de savoir si le législateur sera à même de l’adopter en temps utile.

Lors de la conférence de presse du 3 décembre, un « compromis » avec les partenaires sociaux sur le « 3G » au travail a été présenté. 
Mais sa traduction dans un texte légal fait toujours défaut. (Photo : woxx/rg)

Opposition formelle ou pas ? C’est la question que se posent les député-es
 chaque fois que le Conseil d’État (CE) rend son avis sur un projet de loi. L’arme redoutable de l’opposition formelle ne s’applique généralement pas à un texte entier, mais le CE peut remettre en question des formulations de détails ou des passages plus importants, tout en jugeant un projet de loi globalement justifié.

En temps normal, une opposition de ce type peut se résoudre par un amendement. Celui-ci est soumis à un avis complémentaire du CE, qui doit alors exprimer son éventuelle satisfaction. Si tel est le cas, la commission peut adopter son rapport sur la loi, qui sera ensuite soumise en première lecture à la plénière du parlement. La Chambre propose alors en général d’accorder la dispense de la fameuse deuxième lecture du projet de loi prévue par la Constitution, au plus tôt trois mois plus tard, et le CE est prié d’en faire autant. Ce qu’il fait en règle générale, à moins qu’une des oppositions formelles publiées préalablement n’ait pas été levée de façon satisfaisante.

Pour un projet de loi normal, qui met parfois des années à être finalisé, trois mois sont dérisoires, et si les deux institutions ne s’entendent pas sur un texte de loi, le vote de la Chambre en deuxième lecture prévaut. Le CE ne peut donc que retarder la mise en application d’une loi.

Mais si un projet de loi s’inscrit dans un contexte d’urgence, comme les lois anticovid élaborées ces deux dernières années, le délai de trois mois peut s’avérer fatidique. Le parlement et le CE doivent donc trouver un terrain d’entente pour éviter toute perte de temps − et trois mois, en période de pandémie, peuvent le cas échéant se compter en nombre de morts supplémentaires.

Il était donc tout à fait important de savoir comment allait se positionner le CE au sujet de la dernière mouture de la loi anticovid déposée pas plus tard que samedi dernier par le gouvernement, un projet de loi qui devrait donc introduire la règle du « 3G » obligatoire dans les entreprises – contrairement aux dispositions en vigueur, qui laissent à l’employeur le choix du régime de protection qu’il préconise à l’intérieur de son entreprise.

Or, le projet de loi 7924 déposé samedi dernier ne comporte justement pas ces dispositions, alors qu’elles étaient présentées la veille lors d’une conférence de presse du ministre du Travail, Dan Kersch (LSAP), et du ministre de la Fonction publique, Marc Hansen (DP), en présence des président-es des trois syndicats nationaux représentatifs et de l’Union des entreprises luxembourgeoises. Il s’agit ainsi d’un texte partiel, qui ne concerne que la prolongation du régime Covid-Check actuel au-delà du 18 décembre, date à laquelle les dispositions actuellement en vigueur viennent à terme. Le texte déposé touche aussi à d’autres lois et apporte des changements comme le raccourcissement de la durée de validité des différents tests – les tests PCR n’étant plus valables que 48 heures et les tests antigéniques 24 heures.

Mais l’innovation annoncée vendredi n’y est pas encore. L’avis du CE rendu mercredi, qui retient « que le régime Covid-Check ne constitue pas une ingérence disproportionnée dans les libertés individuelles », a été interprété par certains médias comme un blanc-seing du CE envers la volonté du législateur d’introduire le régime « 3G » obligatoire sur le lieu de travail.

Toujours pas de détails pour le monde du travail

Les membres du CE ne se sont même pas préoccupé-es de cette question et sont resté-es collé-es au texte qui leur avait été soumis au cours du weekend. D’ailleurs, dans la suite de leur raisonnement cité ci-dessus, ils et elles écrivent : « notamment en ce que l’intrusion dans la sphère privée se limite à conditionner l’accès à des activités de loisir, donc ni essentielles ni appartenant à la sphère des droits fondamentaux ». Ce bout de phrase pourrait aussi signifier que l’application obligatoire du régime « 3G » sur le lieu de travail – donc en dehors de la sphère des « loisirs » − nécessiterait une réflexion beaucoup plus poussée…

La partie n’est donc que remise, alors que même le texte partiel se voit frappé d’une opposition formelle – non pas sur les questions de « 2G » ou « 3G », mais sur une autre disposition qui concerne la possibilité de permettre dans des cas spécifiques l’usage de médicaments ou de traitements qui n’auraient pas encore obtenu les autorisations usuelles. La réunion de la commission de la Santé et des Sports, en charge du projet de loi 7924, est convoquée pour ce vendredi 15h30 pour désigner un rapporteur – sans doute son président Mars Di Bartolomeo (LSAP) – et pour éventuellement prendre connaissance du texte beaucoup plus conflictuel sur le régime « 3G » obligatoire sur le lieu de travail – si le gouvernement réussit à finaliser son texte sous forme d’amendements à proposer à la commission. (1)

Le texte ainsi amendé repartira donc en début de semaine en direction du CE, qui n’aura que très peu de temps pour analyser ces nouvelles dispositions que la majorité parlementaire espère pouvoir soumettre au vote de la Chambre des député-es au plus tard jeudi… c’est-à-dire deux jours avant que les dispositions actuelles prennent fin. Un pari risqué : si le CE trouve la moindre faille dans le texte, celui-ci ne serait alors pas disponible en temps utile. À moins d’inscrire les dispositions sur le régime « 3G » sur le lieu de travail dans un texte à part voté en janvier, qui laisserait le monde du travail encore une fois dans le flou sur les détails alors qu’on voulait, comme l’indique l’exposé des motifs, lui laisser le temps de se préparer.

(1) Les amendements gouvernementaux ont finalement été déposés en fin de soirée du 9 décembre 2021, et peuvent être consultés sur le site de la Chambre des député-es.


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