La protection des réfugié-e-s mineur-e-s non accompagné-e-s au Luxembourg reste une zone grise dans la politique d’accueil. L’ONG Passerell fait état de conflits d’intérêts… qui ne sont pas dans l’intérêt des enfants.
Même si Jean Asselborn a défrayé la chronique cette semaine encore en attaquant frontalement Donald Trump, ce qui aurait provoqué l’annulation du dernier voyage officiel de son collègue américain, Mike Pompeo, il ne faut pas toujours se fier à l’image lisse de ministre humain et progressiste qu’il aime se donner. Comme le woxx a pu le constater à plusieurs reprises déjà, la politique d’accueil du Luxembourg, chapeautée aussi par Asselborn en tant que ministre de l’Immigration, n’est souvent pas à la hauteur de l’image projetée du superministre.
Après avoir épinglé les conditions du primoaccueil, où des doutes persistent sur le fait que les agent-e-s de la Direction de l’immigration tenteraient de « décourager » les personnes qui se présentent à leurs guichets, penchons-nous sur la question épineuse des mineur-e-s non accompagné-e-s. C’est l’association Passerell qui tire la sonnette d’alarme dans ce dossier où de multiples manquements apparaissent.
Le premier problème est la « commission consultative d’évaluation de l’intérêt des mineurs non accompagnés ». Si elle a vu le jour officiellement avec la loi de 2018, elle n’est toujours pas en fonction. Le règlement grand-ducal qui l’instaure ne date que du 20 novembre 2020. Et encore, il n’est pas définitif, comme l’indique la réponse à une question parlementaire posée par le député Déi Lénk David Wagner en décembre de l’année dernière. Le point sensible est la composition de celle-ci, et surtout qui pourra y représenter la société civile et les ONG qui travaillent avec ces mineur-e-s très vulnérables.
Présomption de minorité ignorée?
« D’abord, il n’y a eu aucun appel à candidatures de la part du ministère pour rejoindre cette commission », regrette Cassie Adélaïde, cofondatrice de Passerell. En effet, des ONG qui par exemple auraient des antennes dans les pays d’origine des mineur-e-s pourraient être utiles pour comprendre le background de ces réfugié-e-s. Mais, apparemment, cette pensée n’a pas effleuré les responsables du ministère. Au contraire, la composition de la commission consultative est telle que le ministère garde toujours le pouvoir de la dernière décision, car « en cas d’égalité des voix, celle du président est prépondérante ». Un président qui appartient à un des corps ministériels représentés dans la commission, la Direction de l’immigration et l’Office national de l’accueil.
Une autre tare inhérente est que, malgré les avis défavorables de la Commission consultative des droits de l’homme (CCDH), de l’Ombudsman fir d’Rechter vum Kand (ORK) et du Collectif réfugié-e-s, la commission ne sépare pas clairement les droits de l’enfant et sa situation légale en tant que demandeur ou demandeuse de protection internationale. Or, le Haut-Commisariat des Nations unies pour les réfugiés recommande clairement de séparer ces deux aspects, afin de mieux encadrer ces personnes et de les protéger au maximum.
Au-delà de la commission, c’est la présomption de minorité qui reste problématique. « Nous ne nions pas qu’il y a des personnes majeures qui essaient de se faire passer pour mineures, et que cela pose problème. Nous en avons rencontré aussi dans notre activité », évoque Cassie Adélaïde. Pourtant, le fait que la Direction de l’immigration se charge de déterminer qui est mineur-e ou non serait problématique : « En France, par exemple, c’est la Croix-Rouge qui accueille les mineur-e-s et qui prend la responsabilité de déterminer si oui ou non l’âge qu’ils et elles avancent est exact. Ce qui est une énorme responsabilité certes, mais vu que cette organisation gère ses propres foyers, c’est une solution plus adéquate dans l’intérêt de l’enfant que de laisser la décision à des fonctionnaires. »