Musique : Johny Fritz. Luxemburger Komponist, Musiker und Sammler

La Bibliothèque nationale vient de prolonger son exposition sur Johny Fritz jusqu’en avril. Une excellente raison de se rendre au Kirchberg pour découvrir les multiples facettes du musicien luxembourgeois.

Vue de la partie biographique. (Photos : woxx)

Interprète de musique ancienne avec son ensemble Tempus est iocundum, engagé au sein de la Lëtzebuerger Gesellschaft fir Nei Musek (LGNM) dès les débuts de celle-ci, professeur de clarinette et de flûte à bec au conservatoire de Luxembourg, compositeur, collectionneur… Johny Fritz, né en 1944, a consacré sa vie à la musique avec beaucoup d’appétit et d’enthousiasme. Comment dès lors présenter cette carrière bouillonnante ? La commissaire Marlène Duhr a opté pour un foisonnement raisonné : affiches et billets de concerts, lettres, articles de journaux, photographies, nombre de documents sont exposés, mais dans une configuration aérée qui assure une respiration – comme il convient à un instrumentiste à vent – entre les différentes sections.

Dans la première se trouve brossé le portrait de l’artiste, avec les habituels repères biographiques. On y découvre notamment d’intéressants documents sur l’engagement de Johny Fritz au sein de la LGNM, mais surtout une petite perle : la première page d’une lettre manuscrite du musicien, qui évoque l’enseignement reçu d’Edmond Cigrand au conservatoire de Luxembourg. « Je pense que c’est là que j’ai commencé à comprendre l’essentiel de la matière musicale – que ce soit une valse de Strauss, un rythme hindou, une série dodécaphonique, une chanson enfantine ou une fugue de Bach », se souvient-il dans un hommage émouvant (on ne pourra pas le lire de sa plume : seule la première page est exposée et ces mots sont extraits de la troisième, reproduite cependant dans l’excellent catalogue d’exposition). C’est toute une vie musicale qui se décide dans ce moment clé que le compositeur se remémore par écrit.

Johny Fritz a reproduit chez lui le « placard », 
un logement exigu d’Erik Satie.

L’écrit est d’ailleurs le cœur de la deuxième partie de l’exposition. Johny Fritz, en découvrant l’œuvre d’Erik Satie (1866-1925) et son langage musical novateur, s’est pris d’une passion dévorante pour lui au point de se faire collectionneur. Sont ainsi exposées nombre de lettres du Français acquises au fil des années par le Luxembourgeois. Certaines n’ont au demeurant pas encore été publiées dans des travaux de recherche. Émotion, là aussi, en lisant les lettres bien formées à la plume et les fioritures élégantes de l’excentrique compositeur, qui témoignent d’un sens de l’humour à l’épreuve de la misère dans laquelle il a vécu. Les mélomanes trouveront également une très intéressante analyse harmonique de Fritz sur la pièce « Vexation », preuve de l’attention minutieuse qu’il accorde à son compositeur fétiche. Et mélomane ou non, on sera fasciné par son schéma qui reprend les différentes œuvres de Satie en les associant à différentes phases de sa vie au moyen d’un code de couleur.

Nul doute que la collection Satie aurait pu à elle seule emplir la salle d’exposition de la Bibliothèque nationale, mais cela aurait été dommage. La troisième partie présente en effet l’activité de composition de Johny Fritz, intéressante sur bien des aspects. De ses « Drei Skizzen » pour clarinette ou flûte solo en 1967, inspirées de Stravinski, aux « Images en mouvement » pour flûte, clarinette et harpe en 2022, son œuvre comporte à ce jour une quarantaine de pièces, dont certaines font l’objet de vitrines explicatives. Surtout, un espace d’écoute est proposé. La diversité est ici le maître mot, puisque figurent les « Drei Skizzen », mais aussi une transcription de mélodie chinoise ou le « Mouvement pour cordes et percussions », au langage très moderne et entraînant, joué par l’orchestre de RTL. Le « Cantique de sainte Geneviève de Brabant », pour chanteuse, récitant, flûte, harpe et alto, créé en 1992, est un morceau dédié aux trois compositeurs qui ont mis en musique la légende de Geneviève : Robert Schumann, Jacques Offenbach et… Erik Satie, bien sûr ! Il se déploie sur 17 minutes et s’écoute en contemplant les images d’Épinal affichées, qui ont été projetées lors de la première. On y découvre un Johny Fritz très affûté pour la musique narrative aux tonalités résolument modernes, avec un petit effectif à la belle profondeur sonore.

La large collection d’instruments de Johny Fritz est 
également évoquée.

La dernière partie de l’exposition est consacrée à la collection d’instruments du musicien. Probablement par manque de place, on y trouvera juste un organistrum, des flûtes et des cromornes, mais un panneau photographique représentant un pan de mur de sa maison donnera une idée du nombre de pièces qu’il possède. On reste sous l’égide de Satie, comme la commissaire le fait remarquer : de celui-ci, Debussy disait qu’il était « un musicien médiéval et doux, égaré dans ce siècle ». Musicien médiéval, Johny Fritz l’est assurément : la direction de l’ensemble Tempus est iocundum lui permet de donner à entendre de grandes œuvres du Moyen Âge – l’espace d’écoute propose du reste son interprétation de la « Messe de Notre Dame » de Guillaume de Machaut. Égaré dans ce siècle, peut-être moins, puisqu’il a parallèlement une activité de compositeur de musique bien actuelle. Toujours est-il que cette passionnante exposition révèle l’étendue des talents de ce « compositeur, musicien et collectionneur luxembourgeois », à découvrir ou redécouvrir.

À la Bibliothèque nationale, jusqu’au 22 avril.

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