Les Archives nationales clôturent l’année 2019 avec une exposition consacrée à Aristides de Sousa Mendes, personnage maintes fois ignoré de la Seconde Guerre mondiale.
L’expo se déroule dans le cadre de la présidence luxembourgeoise de l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA) et de la récente inclusion du Portugal au sein de cette organisation. Le choix de centraliser l’événement autour de la figure d’Aristides de Sousa Mendes est plus que louable. Un vieil adage juif du Talmud dit « qui sauve une vie, sauve l’humanité entière ». Aristides de Sousa Mendes en a sauvé pas moins de 30.000 (dont 10.000 vies juives) fuyant la persécution nazie lorsqu’il était consul à Bordeaux.
L’objectif de ces milliers de réfugié-e-s était d’atteindre le Portugal (pays neutre pendant la Seconde Guerre mondiale) afin d’y rester quelque temps avant d’essayer de partir vers l’autre côté de l’Atlantique. Parmi ces personnes figuraient la grande-duchesse Charlotte et sa famille ainsi que le gouvernement de l’époque, et d’autres Luxembourgeois-e-s. L’expo nous dévoile que même l’extravagant Salvador Dali demanda un précieux tampon sur son passeport au consul portugais de Bordeaux. D’ailleurs, Aristides de Sousa Mendes ne catégorisait aucunement les personnes qui venaient vers lui, violant ainsi la fameuse circulaire numéro 14 de Salazar, qui ordonnait le refus de l’octroi de visas aux catégories de personnes pourchassées par les nazis, notamment celles d’origine juive.
D’innombrables lettres, passeports, photos, témoignages, affiches, télégrammes, cartes postales et bien sûr visas attestent un travail de longue haleine et de recherche, et corroborent cet épisode de la Seconde Guerre mondiale en 1940. Mention spéciale pour le registre consulaire de l’époque, listant une partie des 30.000 personnes à qui furent délivrés des visas à partir du consulat de Bordeaux. Ce précieux document fait partie du patrimoine documentaire inscrit au registre de la Mémoire du monde de l’Unesco depuis 2017. Cette même liste est étalée sur plusieurs murs des Archives nationales, tel un mémorial de vies sauvés. Également remarquable : le catalogue qui accompagne l’exposition. Véritable manuel d’histoire, celui-ci en condense méticuleusement tout le contenu.
Voir l’expo et connaître la bravoure philanthropique du consul de Bordeaux se révèle être aussi un exercice sur la conscience humaine. Le public peut aisément se mettre en question et se demander s’il aurait agi de la sorte tout en connaissant le dénouement de ses décisions. Souvent, entre les paroles et les actes, les voies suivies sont peu avouables. De retour au Portugal et vivant en pleine précarité, Aristides de Sousa Mendes dit n’avoir jamais regretté son geste. Il importe rappeler que Salazar ne pardonna jamais sa désobéissance au consul. Non seulement ce dernier fut démis de ses fonctions, mais il lui fut également interdit d’exercer sa profession d’avocat. Cet aristocrate catholique mourut dans la misère le 3 avril 1954 à l’âge de 68 ans.
Aristides de Sousa Mendes est encore aujourd’hui injustement peu connu à l’échelle internationale et même au niveau national, tant au Portugal qu’au Luxembourg. En 1966, le Mémorial de Yad Vashem en Israël l’honore du titre de Juste parmi les nations. La grande-duchesse Charlotte lui rendit hommage en 1968 et plus tard, le grand-duc Henri en fit de même en 2010 pendant une visite d’État au Portugal. Le pays qui vit naître cette figure à la morale altruiste ne le fit pour la première fois qu’en 1986, présentant des excuses publiques à la famille. Malheureusement, les héros sont souvent posthumes.