Radio 100,7 : Gouvernance à vue

Alors que la coalition est encore en train de négocier, le gouvernement en affaires courantes prend des décisions concernant la direction de la radio publique, dont l’indépendance semble en danger.

Photo : Radio 100,7

Parfois, nos député-e-s sont vraiment à plaindre : quand les élu-e-s prennent au sérieux leur rôle de contrôle du pouvoir exécutif et commencent à mettre sur papier des questions parfois très élaborées sur des situations qui préoccupent l’opinion publique, elles et ils se voient livré-e-s à la merci d’un système des plus frustrants. Non seulement il laisse au gouvernement jusqu’à un mois pour répondre, mais en plus, il ne l’oblige nullement à répondre factuellement à tous les éléments de question qui ont été soumis. Ni à expliquer pour quelles raisons le ministre se voit dans l’impossibilité de répondre à l’un ou l’autre des points soulevés.

Pire encore : parfois, les réponses ignorent complètement les propos exacts des parlementaires et ne donnent que des repères très généraux. Des réponses si peu précises qu’on peut se demander pourquoi le ou la membre du gouvernement vers qui la question a été dirigée a dû attendre pour répondre jusqu’au dernier jour du délai maximal prévu – voire le dépasser, comme c’est souvent le cas.

Mais le je-m’en-foutisme vis-à-vis des élu-e-s peut encore augmenter d’un cran. Le 1er octobre, aussi bien la députée verte Sam Tanson que le député socialiste Franz Fayot se sont adressé-e-s au ministre de la Communication et des Médias, Xavier Bettel, pour s’informer au sujet de la radio socio-culturelle, dont le directeur avait annoncé son départ à relativement court terme. Comme en plus une étude « peer-to-peer », réalisée par l’Union européenne de radio-télévision et peu discutée au Luxembourg, avait émis de sérieux doutes par rapport à l’indépendance de la radio 100,7, les deux député-e-s de la majorité sortante avaient donc de bonnes raisons de s’inquiéter au sujet de l’avenir de la station publique.

Alors que leurs questions très fouillées abordaient les problèmes par des angles bien différents, les deux réponses données par le ministre en date du 9 novembre et reçues par la Chambre des député-e-s le 12 novembre – donc une bonne dizaine de jours au-delà du délai normal – se résument à quelques lignes invoquant une réunion du conseil d’administration ayant eu lieu, comme par hasard, le jour précédant la date de réponse. Les réponses à Tanson et Fayot étaient bien distinctes, mais en y regardant de près, on s’aperçoit qu’elles sont identiques à 100 pour cent – à part le fait que les deux petits paragraphes qu’elles comportent sont simplement inversés.

On savait notre premier ministre est fortement adepte d’une administration efficiente, mais on ne s’imaginait pas à quel point il allait simplifier sa vie et celle de ses collaborateurs en ayant recours à des méthodes qui ne témoignent pas d’un très grand respect vis-à-vis des représentant-e-s de sa propre majorité.

Les deux non-réponses du ministre ont poussé un de leurs collègues d’opposition, David Wagner (Déi Lénk), à réitérer certaines de leurs questions restées sans réponses, tout en s’inquiétant de la façon dont l’intérim de la direction sera organisé et du mode de recrutement prévu pour trouver un-e successeur-e au directeur, dont les raisons du départ restent par ailleurs inexpliqué-e-s.

Une telle immixtion de la part du premier ministre dans la gestion d’un média de service public est-elle légitime?

Entre-temps, le syndicat des journalistes s’est saisi de l’affaire et insiste pour que « le processus de réforme de la radio soit participatif et englobe toutes et tous les salarié-e-s de la radio et cela à tous les niveaux ».

Le député de gauche va plus loin dans son scepticisme et cite une chronique du 2 octobre sur le site de la radio où est fait état d’un « haut fonctionnaire » qui aurait affirmé que le premier ministre avait révoqué l’ancienne présidente du CA, parce que celle-ci aurait collaboré « trop étroitement » avec le directeur. Si tel est vrai, David Wagner aimerait savoir si le premier ministre pense qu’une telle immixtion de sa part dans la gestion d’un média de service public est légitime.

La question datant du 13 novembre, faudra-t-il attendre Noël pour savoir si le Premier va faire usage d’autres éléments de texte pour répondre, sachant que les deux paragraphes à sa disposition jusqu’à présent se sont avérés insuffisants ?


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