Soirées italiennes au opderschmelz
 :« C’est un honneur pour eux 
de venir au Luxembourg » 


« Travel Music Agency » présente deux soirées musicales italiennes au centre culturel opderschmelz à Dudelange. Un entretien avec le couple fondateur Paola Cairo et Paolo Travelli sur les concerts et la popularité de la musique italienne au-delà des frontières nationales.

woxx: Paola et Paolo, pourquoi avez-vous fondé « Travel Music Agency », basée au Luxembourg, fin 2017 ?


Il est l’artiste préféré de Paolo Travelli: le musicien de jazz Gianluca Petrella rend visite au opderschmelz, 
le 26 octobre. (COPYRIGHT: Paolo Piscolla, CC BY-SA 4.0/Wikimedia Commons)

Paola Cairo : À travers notre « Travel Music Agency » on veut donner une voix aux musiciens italiens qui se trouvent au Luxembourg, mais aussi promouvoir la musique italienne au Luxembourg. Au début, l’organisation des concerts était part du projet « PassaParola », mensuel italo-luxembourgeois duquel je suis co-fondatrice avec Maria Grazia Galati, mais on a vite remarqué que c’était trop complexe de gérer le tout ensemble. C’est pourquoi Paolo et moi avons fondé, fin 2017, l’agence. Depuis, on a déjà eu des bonnes coopérations avec les institutions de la ville de Luxembourg ; on organise des playlists pour des boutiques, des hôtels ; on est aussi engagé pour le concept musical lors des fêtes d’entreprise et ainsi de suite… Entre-temps j’ai l’impression que le Luxembourg nous a remarqués, même si au début notre projet était trop petit pour être visible.

Le 24 et le 26 octobre vous organisez des concerts de Nidi d’Arac, Modena City Ramblers, Flavio Boltro, Fabio Giachino, Gianluca Petrella et Pasquale Mirra ; 
donc de folk et de jazz italien.
 Le Luxembourg s’intéresse-t-il à la culture italienne qui ne correspond pas au mainstream ?


Paolo Travelli : La scène de jazz italienne compte comme l’une des plus importantes au monde, c’est la même chose pour la musique folklorique italienne. Malheureusement, l’export de la musique italienne se concentre non pas sur tous les genres, mais plutôt sur des stars individuelles, comme « Il Volo » ou « Måneskin », de la musique mainstream qui s’écoute bien. Je vois cela d’un œil plutôt critique : c’est une simplification de la scène musicale italienne, au détriment de sa complexité. La majorité des chaînes radio jouent ce mainstream, bien que des exceptions existent.

Paola Cairo : Il y a beaucoup d’artistes qui ne sont pas connus ici, à part des grands noms cités par Paolo, qui s’occupe de l’organisation des concerts. Il pourra vous en parler plus que moi !

En Italie, les médias agissent-ils différemment, par exemple les chaînes de télévision ?


Paolo Travelli : La télé italienne célèbre surtout les icônes. Souvent ce qu’on voit, ce ne sont que des « tribute shows ». Pour moi, ce n’est pas de l’art. Et ceci est dommage, vu que l’Italie a tant d’artistes émergents et confirmés, par exemple à Naples, qui méritent d’être plus connus.

Pourquoi avez-vous donc choisi de vous consacrer au folk et au jazz italien ?


Paolo Travelli : Le jazz, c’est le genre roi de la musique italienne. La scène italienne s’est surtout développée peu après le bebop américain, dans les années 1960, 1970. Elle compte jusqu’à aujourd’hui des musiciens jazz incontournables comme Enrico Rava ou Paolo Fresu. Pour moi, c’était donc évident de soutenir ce genre. En ce qui concerne le folk, je trouve que le folk permet une communication interculturelle qui est importante dans un pays comme le Luxembourg, un pays riche en cultures et au centre de l’Europe. Le folk, ça veut dire aussi des traditions. Et, dites-moi, quel pays n’aime pas s’échanger sur ses traditions ? L’Italie en a beaucoup, comme par exemple la tarentelle (note de la rédaction : un type de danse traditionnelle associée à une forme musicale originaire du sud de l’Italie). De plus, les centres culturels apprécient soit le jazz soit la musique folk – il s’agit donc aussi d’une convenance.

« Malheureusement, l’export de la musique italienne se concentre non pas sur tous les genres, mais plutôt sur des stars individuelles »

Le genre pop/rock ne vous inspire pas du tout ?


Paolo Travelli : Non, professionnellement parlant, la scène est trop industrialisée pour moi. Je préfère le jazz et le folk qui ont encore cet air plus artisanal. Notre offre dépend aussi de la demande – nos partenaires sont plus intéressés par le jazz et la « world music ». Au début je me suis plutôt inspiré de l’intérêt de la communauté italienne au Luxembourg – ou de ce que je croyais être leur goût. Dans cette phase j’ai invité des artistes pop/rock, oui, mais parfois les salles ont eu du mal à se remplir. Je ne pouvais pas me le permettre, vu que dès un certain moment j’ai organisé des concerts avec des artistes établis. Ce n’était pas satisfaisant. Après la coopération avec des centres culturels et le changement de genre musical, ceci a changé pour le mieux et le publique arrive.

Pour quelle raison le public n’est-il pas venu au début, à votre avis ?


Paola Cairo : Après les années concernées par les crises économiques, il y a beaucoup d’italiens qui sont venus au Luxembourg dans les années 2008 et 2015. La population italienne au Luxembourg a changé ; il faut aborder un public très diversifié. La nouvelle génération de migrants n’est pas si enracinée au Luxembourg, beaucoup d’entre eux rentrent en Italie pendant le week-end ou au moins régulièrement. De plus, j’ai l’impression que la musique est devenue une chose plus universelle, moins liée à une nationalité en particulier. Il est donc évident que cette population a d’autres intérêts. Bien que je trouve toujours important qu’il y ait au Luxembourg un point de repère comme « PassaParola » ou nos émissions radio sur « Radio Ara », où les primo-arrivants puissent s’informer sur le pays dans leur langue maternelle. Nous continuerons à faire ce travail, parce que c’est notre passion et nous restons à l’écoute de ceux qui le valorisent.

Selon quels critères avez-vous donc choisi les artistes que vous avez invités à Dudelange la semaine prochaine ?


Paolo Travelli : En fait, j’ai travaillé déjà avec la plupart des artistes invités, à part Flavio Boltro. C’était évident de les promouvoir au Luxembourg. Après, des noms comme Modena City Ramblers ou Nidi d’Arac sont connus dans le monde entier. J’apprécie la musique engagée des Modena City Ramblers, parce qu’elle permet de partager un sentiment de communauté, même si ce n’est que pour une heure et demie. Avec son « combat folk », ses textes politiques, le groupe nous signale : « Il faut continuer à se battre pour nos idéaux, il faut qu’on reste unis, il y a des gens qui ont besoin de nous. » Par contre, Nidi d’Arac est un groupe qui mélange des traditions du Salento avec de la musique électronique. Au début des années 2000, il était populaire auprès les DJ anglais, qui sont considérés comme les plus importants sélecteurs de musique. Nidi d’Arac ont joué des centaines de concerts dans le monde entier, maintenant ils ont changé un peu de style en s’exposant plus fortement à l’acoustique.

Manquent les musiciens jazz Flavio Boltro, Fabio Giachino, Gianluca Petrella et Pasquale Mirra. 


Paolo Travelli : Petrella est mon artiste préféré au monde. Il est un génie musical, tout comme Mirra. Les deux ont une capacité impressionnante d’improviser – chaque concert est différent. Flavio Boltro représente un des plus importants musiciens jazz de la scène italienne – ici on parle de la qualité absolue. Il va de même pour Fabio Giachino : il est certainement aussi un des artistes de poids, il offre un univers sonore complètement différent de tout ce que vous avez déjà entendu.

Pourquoi les femmes ne sont-elles pas représentées dans votre choix ?


Paolo Travelli : Il n’y a pas de raison particulière … À part que je n’ai travaillé qu’avec une artiste récemment : Maria Mazzotta. « Travel Music Agency » la représente, donc mon avis pourrait être subjectif, mais il suffit de voir ailleurs – elle est considérée comme une des meilleures voix du folk du monde. Elle a une capacité d’interprétation vocale extraordinaire, bouleversante. Je n’ai jamais vu une personne sortir de ses concerts sans émotions clairement visibles. Je vous recommande vivement d’aller la voir en concert ou d’écouter sa musique en ligne !

Avez-vous choisi Dudelange comme lieu parce que la ville est riche en histoire de l’immigration, surtout italienne ?


Paolo Travelli : Le lien avec l’Italie est une raison, mais la communauté italienne au Luxembourg est tellement grande aujourd’hui que ça n’a pas été la cause principale. L’équipe du opderschmelz est simplement fantastique. On partage des mêmes idées sur l’organisation, la diffusion et la communication ; la salle est magnifique pour jouer des concerts. À part ça, son festival « Jazz machine » est reconnu dans le monde entier et figure parmi les rendez-vous incontournables dans la scène de jazz. J’ai remarqué ceci aussi à la « Jazzahead ! » à Brême, une des foires importantes pour le jazz en Europe. C’est un signe que le Luxembourg est en train de faire un bon travail !

Quel est l’image de la scène musicale luxembourgeois en Italie, selon vos expériences ?


Paolo Travelli : Les artistes venus de l’Italie veulent souvent rester au Luxembourg après le concert pour y habiter ! Ils me disent que l’accueil, la qualité du son, l’interaction avec le publique est incroyable. C’est un honneur pour eux de venir au Luxembourg et de jouer dans des centres culturels si bien organisés. Il n’y a rien à redire. Du coup, il y a une forte demande des artistes en Italie de venir jouer un concert au Luxembourg. C’est pourquoi j’ai lancé un échange avec la « Casa del jazz » à Rome en décembre.

C’est-à-dire ?


Paolo Travelli : Le 20 décembre il y aura un concert dans la « Casa del jazz » avec des artistes italiens et luxembourgeois, avec la participation de Fabio Boltro, Jacopo Ferrazza, Jeff Herr et Greg Lamy. C’est une collaboration entre « Casa del jazz », Kultur LX et notre agence. On prévoit une deuxième session au opderschmelz, mais les détails ne sont pas encore prêts à être annoncés.

Quel est le but de cet échange international ?


Paolo Travelli : Les musiciens jazz luxembourgeois n’ont aucune raison de se cacher et je trouve important qu’ils puissent se faire connaître dans la scène de jazz italienne, plus grande que celle au Luxembourg. C’est la première fois que des artistes luxembourgeois jouent dans la « Casa del jazz ». Je suis fier et content de pouvoir soutenir ces artistes qui le méritent, de remercier de cette manière le Luxembourg, un pays qui me permet de vivre une vie meilleure.

Nini d’Arac et Modena City Ramblers, le 24 octobre à partir de 19 h ; Petrella – Mirra/Giachino – Boltro, le 26 octobre à partir de 19 h au centre culturel opderschmelz (1 a, Rue du Centenaire, L-3475 Dudelange), tickets sur opderschmelz.lu et en caisse du soir.

Paola Cairo est journaliste et co-fondatrice, avec sa collègue Maria Grazia 
Galati, de la revue italienne « PassaParola Mag», fondée en 2004 et 
publiée depuis janvier 2023 en version online (www.passaparola.lu). Elle est aussi co-modératrice de l’émission italienne « Voices by PassaParola » sur « Radio Ara » depuis 2008. Ensemble avec Paolo Travelli, elle a 
fondé « Travel Music Agency » en 2017. Travelli est DJ, modérateur de 
plusieurs émissions musicales radio au Luxembourg et à l’étranger, 
directeur de « Voices by PassaParola », conseiller musical pour des clubs et des théâtres, manager d’artistes ainsi que directeur de conférence à 
propos de la musique et du travail radio.


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