Steven Soderbergh : Jürgen, Ramón et l’argent des autres

Une fois n’est pas coutume, le woxx vous invite à rester chez vous cette semaine et à ouvrir Netflix pour voir « The Laundromat » – la tentative de Steven Soderbergh de rendre les Panama Papers sexy et accessibles à toutes et tous.

Perdue devant des milliers de boîtes à lettres – une situation que les Luxembourgeois-e-s reconnaîtront assez facilement. (Photo : Netflix)

Comment raconter les Panama Papers ? Les 13,2 millions de documents en tout dérobés au cabinet d’avocats véreux Mossack Fonseca, sis à Panama City, racontent beaucoup d’histoires, voire trop. En tout cas, rien qui tiendrait dans les 90 minutes que dure le film de Soderbergh, présenté à Venise cette année avant de sortir sur le site de streaming Netflix, qui l’a produit.

Pourtant, le fait que les deux protagonistes involontaires, les vrais Jürgen Mossack et Ramón Fonseca, ont essayé de stopper le film devant la justice américaine – sans succès d’ailleurs – indique que son contenu n’est pas sans intérêt. Pour décrire l’énorme machine à laver élaborée depuis Panama par les deux partenaires, Soderbergh a construit une trame principale sur laquelle se greffent, plus ou moins heureusement, d’autres microrécits de client-e-s de la boîte. Le récit de base accompagne Ellen Martin (Meryl Streep), une dame âgée qui vient de perdre son mari dans un accident de bateau. Il s’avère que l’assurance contractée par la compagnie maritime a été vendue à une boîte, qui a disparu dans un trust, qui est… on ne sait trop où. Frustrée de ne pas pouvoir toucher une compensation adéquate pour la disparition de son mari, Ellen se met en devoir d’enquêter et atterrit sur l’île de Nevis dans les Antilles, avant de trouver le bon filon qui la mènera vers le cabinet Mossack Fonseca. Qui lui ne répond pas à ses appels.

Pour compenser, les deux fondateurs de la boîte (joués par Gary Oldman et Antonio Banderas) commentent leur histoire et leurs actions tout au long du film. Cela tout en lançant des microrécits, comme l’histoire de cet homme d’affaires anglais mort de s’être approché un peu trop de l’élite chinoise corrompue. Ou de cette femme qui se laisse tromper deux fois par son mari, une fois au lit et la deuxième avec un trust qui ne vaut rien.

Bref, le tout donne une impression de pot-pourri, malgré les explications détaillées sur comment fonctionne l’industrie offshore. Une industrie certes complexe, mais dont les principes sont aussi simples qu’efficaces. Il suffit d’imaginer des coquilles vides dans lesquelles l’argent des fortuné-e-s peut disparaître, les coquilles pouvant être mises les unes dans les autres aussi longtemps que nécessaire, jusqu’à ce que même le fisc ou le journaliste le plus intrépide lâche l’affaire. Un stratagème qui fonctionne jusqu’à ce qu’un-e lanceur ou lanceuse d’alerte fasse surface et cafte tous les juteux secrets de celles et ceux qui pensaient s’offrir la discrétion avec leurs yachts et leurs Rolls.

Que le Luxembourg a aussi servi de relais à Mossack Fonseca et ses gros trafics d’argent n’est pas un secret non plus – le woxx a été le seul média luxembourgeois à accéder aux documents et à démontrer qu’au moins trois de nos hommes politiques (Guy Arendt, Roy Reding et Laurent Mosar) ont été en contact avec le cabinet panaméen pour faire du business en tant qu’avocats d’affaires. Cela ne les a certes pas empêchés d’être réélus, mais du moins le public sait qu’à un moment, les trois ont servi un système dont le seul but était d’aider une riche clientèle à échapper aux impôts qu’ils devaient à leurs communautés.

Alors, s’il faut un rappel fourni par Soderbergh et une flopée impressionnante d’actrices et d’acteurs (à part Streep, Banderas et Oldman, on peut apercevoir encore Sharon Stone et Matthias Schoenaerts), pourquoi ne pas rester une soirée chez soi (tout en demandant le mot de passe à un-e proche si nécessaire) ?

Sur Netflix – et peut-être un jour au cinéma (même au Luxembourg…).

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