CINEMA: He’s lost control

« Control » révèle le talent du réalisateur d’Anton Corbijn. Dans son premier film, qui doit plus à la comédie humaine qu’au show électrique, le photographe hollandais raconte la brève existence d’Ian Curtis, figure de proue du groupe Joy Division.

Une légende venue du froid: Ian Curtis a su toucher autant avec son oeuvre qu’avec la fin tragique de ses jours…

« Control » est l’histoire d’Ian Curtis, chanteur de Joy Division, mort dans la fleur de l’âge et à ce double titre estampillé « légende du rock ». Son metteur en scène aurait, lui-même, quelque droit à faire valoir à cette appellation. En plus de trente ans de carrière, Anton Corbijn a photographié David Bowie et Nick Cave, Miles Davis et Björk, R.E.M ou U2 ; tourné des clips mythiques comme « Enjoy the Silence » de Depeche Mode ou « Heart Shaped Vox » de Nirvana. Mais lorsque l’artiste hollandais réalise un premier long métrage qui se révèle être un chef-d’œuvre, il le fait sans en appeler au halo de ce quinquagénaire ventripotent et satisfait qu’est le « rock’n roll ». Corbijn se contente de raconter l’histoire tristement simple d’un jeune homme qui perd le contrôle de sa vie et ne voit d’autre issue que d’y mettre fin à l’âge de 23 ans.

D’une certaine manière, « Control » est la continuation et l’antithèse du jubilatoire « 24 Hour Party People » de Michael Winterbottom, dans lequel Steve Coogan interprétait le fondateur du label Factory Records et figure tutélaire du « Madchester » fin de siècle, Tony Wilson. Animateur d’une émission de télévision dans laquelle défilaient les groupes britanniques les plus prometteurs de la fin des années 1970, Wilson contribua décisivement à la percée de Joy Division. Mais Winterbottom présentait cet épisode de la vie de l’animateur-producteur comme le premier tête-à-tête de celui-ci avec l’archétype du génie autodestructeur – en l’occurrence Ian Curtis. Anton Corbijn nous fait, en revanche, passer derrière l’épais écran d’excès qui nimbe le rock et nous fait cadeau de l’étalement rageur mais convenu d’une hybris plus ou moins glamoureuse.

Ian Curtis aura vécu l’essentiel de sa vie à Macclesfield, une petite localité ouvrière, dans la région de Manchester. Adolescent sensible et réservé, passionné de poésie et de musique, il rencontre une jeune fille de son âge, Deborah Woodruff, qu’il épouse à l’âge de 19 ans. Elève dissipé, il abandonne ses études pour entamer une carrière de petit fonctionnaire dans sa région natale. Selon la petite histoire, c’est à la suite d’un concert des Sex Pistols qu’il décide de passer du statut de fan à celui d’artiste. Joy Division est fondé en 1977. Le groupe devient rapidement une sensation au niveau local et se produit bientôt à Londres, puis sur le continent. A la veille de la mort d’Ian Curtis, Joy Division s’apprêtait à partir en tournée à travers les Etats-Unis.

Outre cette accélération dans sa trajectoire artistique, trois événements vont marquer les deux dernières années de l’existence d’Ian Curtis : le diagnostic d’une épilepsie, la naissance de sa fille, Natalie et la rencontre d’une autre femme, Annick Honoré.

Basé sur « Touching from a Distance », le livre de Deborah Curtis (qui a également coproduit le film), le scénario de « Control » nous présente un homme déstabilisé par son succès, éreinté par sa maladie et déchiré entre deux amours. Et si l’on rit au début du maladroit ballet entre deux femmes, l’on s’effraie peu à peu du désespoir que nous dépeint Anton Corbijn : celui d’une jeune homme qui semble sorti d’un roman de Dostoïevski, trop pâle et trop sérieux, trop soudainement extrait de son milieu, incapable de choisir entre sécurité et aventure, entre son devoir et ses désirs. Le tout est servi par une forme contemplative et épurée, images en noir et blanc. Tout comme dans ses photographies, Corbijn semble avoir eu à cœur de restituer des instants fugaces et intimes. D’une austérité étonnement sensible, ses plans saisissent par leur authenticité. Il faudrait enfin nommer les acteurs, en premier lieu Sam Riley, qui incarne Ian Curtis, et sa compagne, Alexandra Maria Lara (« La Chute ») qui, loin du dirndl et du bunker qui l’ont révélée, livre une composition pleine de charme et de fragilité.

« Control », à l’Utopia


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