BERTRAND TAVERNIER: A mi-américain

« In the Electric Mist », est le premier film du réalisateur français Bertrand Tavernier tourné aux Etats-Unis. Ce grand cinéphile a visiblement pris plaisir à manier les codes du cinéma américain, mais a raté son adaptation.

Et oui, la punition corporelle est toujours de mise au Sud des States…

Le corps mutilé d’une jeune fille est retrouvé dans un baillou des environs de New Iberia, en plein pays cajun. L’enquête est confiée au sheriff Dave Robicheaux qui va bientôt se retrouver sur la trace d’un tueur en série qui s’en prend de préférence à de très jeunes femmes. Au même moment, l’enquêteur va croiser le chemin d’Elrod Sykes, star d’Hollywood, buveur, fantasque et visionnaire sur les bords. Celui-ci ramène Robicheaux près de quarante ans en arrière, au lynchage d’un homme noir enchaîné, dont le sheriff fut le témoin dans sa jeunesse. Il lui parle également de ces soldats de la guerre de Sécession qui réapparaissent dans la brume, les nuits d’orage.

A près de 67 ans, Bertrand Tavernier vient de réaliser son rêve américain. Grand défenseur de l’exception culturelle de son pays, le metteur en scène français n’en est pas moins un amoureux du cinéma d’outre-Atlantique – auquel il a consacré plusieurs livres. Cet amour et cette connaissance profonde lui permettent de filmer avec justesse les paysages du fin fond de la Louisiane et d’en capter le caractère si profondément sudiste et donc si authentiquement américain. C’est d’ailleurs cette fascination pour les Etats-Unis et leur cinéma, bien plus que l’intrigue policière, qui est le véritable sujet du film.

Mais avant de développer, il faudrait d’abord saluer les interprètes, en premier lieu Tommy Lee Jones. Dans ce film comme dans « No Country for Old Men » des frères Coen et dans « Trois enterrements », qu’il a lui-même réalisé, il jouerait en fin de compte le même rôle, celui d’un vieux sheriff désabusé du Sud des Etats-Unis. Et pourtant, confié à cet acteur magnifique, aucun de ces trois shériffs ne se ressemble vraiment. Dans le cas présent il a composé un personnage qui tient par ses contradictions, à la fois discret et cabot, flegmatique et violent, moderne mais attaché à ses racines. Et puis, il y a aussi John Goodman dont on se souvient en particulier pour sa prestation dans « The Big Lebowski » et qui se fait malheureusement trop rare ces dernières années.

Si Bertrand Tavernier sait parfaitement manier les codes visuels du cinéma américain, c’est toutefois aux dépens de l’adaptation. Il est vrai que la tâche n’était pas aisée. Le livre de James Lee Burke dont est tiré le film est certes un roman policier avec une intrigue et un dénouement mais c’est avant tout un roman, avec sa galerie de personnages hauts en couleur, son dialogue avec le passé et ses errances dans le genre fantastique qui sont de la pure littérature. Or Tavernier essaie de tout caser tel quel dans son film, ce qui aboutit à le rendre sec et hétérogène, comme une pâte dans laquelle on aurait mis trop de farine.

Il n’a pas su illustrer l’importance de ces fantômes de l’histoire américaine, soldats confédérés ou noir lynché, qui viennent hanter le personnage principal. Il n’a pas compris, ou alors ignoré, les thèmes chers à Burke dans ce livre : l’attachement à la terre natale, la constance de caractère des hommes qui en sont issus et leur fidélité à leur morts. Un discours en somme très « Blut und Boden » que l’on n’associe, il est vrai, pas forcément à un pays plutôt synonyme de liberté, de jeunesse et d’espaces vierges? du moins au cinéma.

« In the Electric Mist », à l’Utopia


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