PHOTOGRAPHIES: Diapos dormantes

L’exposition commune de Lé Sibenaler et Marc Wilwert à la galerie Clairefontaine tourne plutôt autour de la philosophie de la photographie qu’autour de la photographie elle-même.

Le hasard fait parfois bien les choses.

C’est une très belle – et un peu triste histoire – que raconta Lé Sibenaler au sujet de ses diapositives exposées dans la galerie Clairefontaine, lors de la table ronde organisée cette semaine au sujet de son exposition. « Vers la fin des années 1960, ma vie a connu un tournant plutôt dramatique. Une incision qui a fait qu’à partir de ce moment-là, rien ne serait plus comme avant. Vu que j’ai toujours été photographe passionné et que j’ai toujours photographié mon quotidien, j’avais sur moi une caisse de diapos. Cette caisse, je l’ai enterrée au Kirchberg, du côté de Dommeldange, un lieu qui, même de nos jours, n’a pas encore été appréhendé par l’urbanisation », raconte-t-il. « Je ne peux plus dire sur quelle impulsion j’ai pris cette décision. Mais toujours est-il que pendant toutes ces années, je n’ai jamais oublié ces diapos dormant quelque part là-haut. Même si aujourd’hui je ne me rappelle plus exactement quand j’ai enterré cette caisse. En tout cas, ce n’était pas en hiver, car je n’avais aucun problème à manier la pelle. »

Comme Lé Sibenaler n’est pas uniquement photographe, mais aussi ancien boy-scout, il a su, il y a peu, retrouver sa fameuse caisse. Si elle ne s’est pas dissoute sous terre, les diapos, grâce au travail des insectes et à l’humidité, s’en sont retrouvées totalement changées : les portraits de femmes et d’enfants ou des paysages s’étaient mués en tableaux oniriques, pleins de couleurs. C’est ce qu’on peut voir à la galerie Clairefontaine : des photographies que, si on ne connaissait pas la petite histoire derrière, qu’on pourrait aussi bien prendre pour des tableaux, tellement les compositions semblent tracées à l’avance et perfectionnées. Parfois, sur quelques clichés, on a l’impression de voir encore ce qui était représenté sur l’original, mais c’est surtout une histoire d’interprétation. Ainsi, en exposant ses vieilles diapos, Lé Sibenaler a mélangé le principe du palimpseste à celui du hasard, et en tire quelque chose de très beau et de poétique.

Quant aux photos de Marc Wilwert, elles accompagnent à merveille les travaux de son acolyte, les complètent même. Là où chez Sibenaler l’abstraction prévaut sur le concret, Wilwert introduit le doute et le jeu du hasard avec ses clichés, qui semblent fortuits à première vue, mais où on reconnaît la main du photographe virtuose par après.

En tout cas, un détour encore ce week-end à la galerie Clairefontaine vaut le déplacement.

A la galerie Clairefontaine, encore jusqu’au 20 juillet.


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