Avec le changement de coalition à Luxembourg-Ville, un printemps politique s’annonce. Aux Verts de prouver si un réel changement leur tient à coeur.
36 longues années de coalition noire-bleue appartiennent au passé – ces derniers jours, le chiffre a été abondamment évoqué dans les commentaires sur les élections communales dans la capitale. Le changement était dans l’air, même si la plupart des observateurs politiques spéculaient sur un ménage à trois DP-LSAP-Verts ou une alliance CSV-Verts. Néanmoins, le tournant a été pris par les acteurs politiques avec une rapidité à première vue vertigineuse. Une nuit seulement après la décision unanime du parti libéral d’entrer dans des pourparlers électoraux avec Déi Gréng, Laurent Mosar annonçait le retrait du CSV dans l’opposition. Les Verts pour leur part, n’hésitaient pas: mardi soir, leur choix d’entrer dans les négociations était fait.
Face à la stagnation et au laisser-faire qui caractérisait l’ère CSV-DP, surtout sous l’égide de Lydie Polfer, il faut payer tribut aux électeurs et électrices de Luxembourg-Ville d’avoir enfin opté pour le changement. Le technocrate Paul Helminger, qui avait déjà flirté en 1999 avec les socialistes, avait dû se soumettre aux exigences nationales d’un parti qui venait d’entrer dans la coalition gouvernementale. Mais le CSV était devenu un frein plus qu’un partenaire dynamique dans le projet de modernisation de la ville. Et au sein du parti libéral, les combats internes des derniers mois semblent avoir été gagnés par la génération des jeunes qui ont préféré un renouveau.
Avec Déi Gréng, cette modernisation deviendra plus aisée. Aura-t-elle aussi un touch plus humain et plus écologique? Les Verts, pour lesquels le terme des „Essentials“ était autrefois sacré, n’ont jusqu’ici pas posé de conditions à leur entrée dans une coalition. Et leur programme électoral pour la ville n’était pas très éloquent. La troupe autour de François Bausch et Viviane Loschetter est-elle donc préparée à défendre ses positions face à une équipe libérale habituée au poker politique? Ou est-ce que les vues du parti vert convergent autant avec celle du DP que la question ne se pose même pas?
C’est justement sur les points qui ont forgé l’identité de Déi Gréng que le consensus sera le plus difficile à trouver – et des orientations nouvelles le plus dures à transmettre aux citoyennes et citoyens. Laurent Mosar a déjà évoqué le sujet de la mobilité. Citons-en d’autres: le manque de logements par exemple, fortement lié à une politique d’aménagement urbain désastreuse des dernières décennies, et auquel le plan Joly n’a jamais su remédier. Le problème des toxicomanes et des sans-abri, dont on a jusqu’ici préféré combattre les symptômes au lieu de promouvoir un réel travail social. La ségrégation entre autochtones et immigré-e-s. L’absence d’une réelle politique écologique, caractérisée par l’inexistence d’un service communal spécifique. Et puis, il y a des modernisations qui ne plaisent pas trop aux libéraux: l’installation d’un service à l’égalité des chances entre femmes et hommes ne sera pas chose facile avec un DP qui, lors de la campagne électorale, a préféré les femmes en bikini. Enfin, la démocratisation du débat politique. Les récents débats de quartiers sur le développement urbain, plus des heures de questions que des think tanks créatifs, constituaient une ouverture plutôt pusillanime vers une réelle participation citoyenne. Et les séances des commissions communales consultatives étaient tellement bidon qu’elles faisaient même fuir les membres de la majorité.
L’entrée triomphale des Verts dans le collège échevinal de la capitale pourrait donc plus se révéler être un test qu’un tremplin pour le pouvoir national. Et son issue n’intéressera pas uniquement M. Juncker – qui aurait peut-être préféré une capitale noire-verte. Les écolos, en franchissant une marche de plus dans l’échelle des institutions, sauront-ils garder un profil? Les prochaines années vont montrer si nous assistons vraiment, à petite échelle, à un printemps politique similaire à celui de l’ère libérale-socialiste des années 70 – ce dont la capitale aurait bien besoin.