COP26 : ou mal, ou pire ?

L’ONU se trouve devant un dilemme : annuler la conférence climatique serait fâcheux, mais la maintenir dans de mauvaises conditions pourrait se révéler plus néfaste encore.

Die-in de protestation lors de la conférence de Paris, en 2015.
(Flickr ; UNclimatechange ; CC BY 2.0)

Alors, faut-il l’ajourner, cette conférence climatique prévue pour novembre, comme le demande le Climate Action Network (CAN) ? Rappelons qu’à la suite des difficultés de nombre de délégué-e-s du Sud global à accéder à un vaccin et à financer leur séjour et notamment les quarantaines, ce réseau d’ONG climatiques a suggéré d’annuler la tenue de la COP26 dans de mauvaises conditions, en attendant de permettre aux pays du Sud de surmonter la crise de la covid (online-woxx : CAN demande l’ajournement).

Les responsables de l’organisation britannique ont cherché à rassurer sur les possibilités de participation, mais CAN risque d’avoir raison : la voix des populations les plus concernées par la crise climatique sera la moins entendue en novembre à Glasgow. Le refus de Londres d’ajourner une nouvelle fois la conférence, qui l’a déjà été à deux reprises, n’est pourtant pas seulement dû à des considérations diplomatiques. Certes, le Royaume-Uni ne souhaite pas bouleverser les calendriers des délégations occidentales, et peut-être, comme on le suppute au sein du mouvement climatique, entend-il profiter de l’occasion pour réduire le poids de la frange radicale des participant-e-s aux négociations.

L’urgence climatique a bon dos

Mais l’argument principal consiste à dire que l’urgence climatique nécessite la tenue de la conférence le plus tôt possible, dans des conditions bien meilleures que ce qu’elles auraient été à la date initialement prévue, en novembre 2020. Clairement, entre-temps, le changement climatique a continué – ralenti d’abord, mais relancé en même temps que la reprise économique. Cette reprise, qui devrait être la plus « verte » possible, est un des sujets qui devraient être traités à Glasgow.

Pour le reste, il faudrait des engagements de réduction de CO2 plus ambitieux de l’ensemble des pays, des mécanismes de contrôle de ces engagements, ainsi que des engagements des pays riches en matière de financement et de transfert de technologies. Comme l’a rappelé le récent rapport de l’IPCC (woxx 1645 : Last orders!), tout cela devrait être en place depuis des années, et désormais chaque mois de retard peut avoir des conséquences disproportionnées sur l’évolution du climat. Maintenir la COP26 en novembre permet en principe de finaliser et de mettre en œuvre les décisions qui s’imposent – « just in time ».

ONU et société civile mondiale

Le problème de ce raisonnement est qu’une finalisation de ces décisions dépendra de la pression exercée par les délégations du Sud global et surtout par la société civile internationale, issue pour une bonne partie de cette partie du globe. Car les pays riches estiment actuellement qu’ils en font assez en matière de réductions de CO2, et l’aide aux pays démunis est plus conçue comme un geste charitable que comme une nécessité de s’entraider au sein de l’humanité entière. Le refus d’ajourner la conférence peut donc aboutir à un échec, soit en conduisant à un accord climatique inéquitable imposé aux pays du Sud, soit en provoquant un blocage des négociations qui durerait plusieurs années.

Pire encore, en acceptant que les voix les plus radicales, celles des populations les plus concernées, soient sous-représentées, l’ONU prend le risque qu’une partie au moins de la société civile mondiale, dans un geste de solidarité, claque la porte. Cela porterait un coup grave à la légitimité des négociations climatiques et à l’ONU en général. Et cela à une époque où, justement, cette légitimité est déjà ébranlée par la polarisation croissante entre un camp occidental et un camp – mal défini – « anti-occidental » agrégé autour de la Chine et de la Russie. Balayer d’un revers de main la revendication du CAN n’est peut-être pas une bonne idée.

 


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