MARIAGE ET ENFANTS POUR TOUS: Passage à l’acte

Il se peut que le débat sur le mariage pour tous et l’homoparentalité fasse moins de vagues au Luxembourg qu’en France. Tant mieux, car cela permettra de revenir vite aux questions urgentes.

Cela commence à faire long. Le débat parlementaire portant sur l’ouverture du droit au mariage pour les couples homosexuels semble s’éterniser en France. On en connaît toutefois l’issue, malgré le dépôt de 5.000 amendements par l’opposition : le mariage sera ouvert aux homosexuel-le-s, comme il le fut en Espagne, malgré la fronde (bien plus importante) de la rue orchestrée par l’église catholique. Par conséquent, la France permettra bientôt à ces couples d’adopter. Cela se pratique d’ores et déjà dans bien d’autres pays en Europe, sans que pour cela la civilisation occidentale soit terrassée. Reste à savoir si les parlementaires adopteront également la possibilité pour ces couples de recourir à la procréation médicalement assistée (PMA), voire à avoir recours aux « mères porteuses ». Cette question divise bien plus, y compris à gauche.

Ces deux questions ne sont pas intrinsèques à l’homoparentalité – elles concernent également les couples hétérosexuels. Elles posent des questions de fond quant au droit des enfants à connaître leur ascendance biologique ou, pour ce qui est des mères porteuses, de la mise à disposition du corps, qui – un peu à l’image de l’adoption – aboutit souvent à un commerce malsain entre pays du Nord et pays du Sud. La PMA est à double tranchant : comme son nom l’indique, il s’agit d’une procréation qui nécessite une « aide » médicale. Cela peut se traduire par la fécondation d’un ovocyte de la mère par un spermatozoïde du père qui n’aurait pas pu aboutir par les voies « naturelles », mais peut aller plus loin en ayant recours au sperme d’un donneur. Libre à la conscience du donneur ainsi que de la receveuse de savoir si un jour l’enfant, malgré tout l’amour et l’attention que ses parents – homos ou hétéros – lui auront portés, ne désirera pas un jour connaître le visage de la personne dont elle est née. En fonction des individus, la question variera : indolence pour les uns, douleur pour les autres. Car si l’on peut convenir – et cela est prouvé aussi bien scientifiquement que sanctionné par la réalité – que ni « droit des enfants » ni leur bien-être ne dépendent ni du sexe des parents, ni de la configuration du couple, on ne peut en déduire un « droit à l’enfant » absolu.

Au Luxembourg, la question du mariage homosexuel et de l’homoparentalité est en suspens depuis plusieurs années. Elle figure même dans l’accord de coalition. Et, à la faveur de ce qui se passe en France, le gouvernement a décidé d’emboîter le pas à son voisin. Gageons que le débat sera moins virulent. Déjà, l’on sait que le ministre en charge de cette réforme, François Biltgen (Justice) y est favorable, y compris à l’adoption. Ce n’est pas rien: après tout, il est membre du CSV. En fait, on peut parier que la majorité des parlementaires sont favorables au mariage et probablement pour l’adoption. En tout cas, on peut douter que la rue se mobilise comme en France – ni pour, ni contre d’ailleurs. Les anti-avortement ne se sont pas mobilisés lors du vote l’année passée à la Chambre. Les défauts des Luxembourgeois-e-s constituent parfois leurs qualités : trop indolents, ils ont aussi une capacité à accepter les choix qu’ils n’approuvent pas. Nous pourrons donc espérer un débat plus digne qu’en France, où les homosexuel-le-s ne seront pas montrés du doigt comme si elles étaient des progénitures sataniques, ni les catholiques, qui dans leur ensemble, sont souvent plus ouverts d’esprit que certains veulent le croire. L’important étant de ne pas se focaliser sur une poignée minoritaire d’illuminé-e-s.

Enfin, lorsque la Chambre aura ouvert le mariage pour tous et permis l’homoparentalité, faisant ainsi un pas de plus dans la lutte contre l’homophobie, il faudra passer aux choses urgentes. Car ne soyons pas dupes : en ces temps de crise, ce n’est pas parce que des gouvernements européens (de centre-gauche comme de centre-droit) avancent sur des questions sociétales qu’ils progressent sur les questions sociales. Au contraire même : en France, au moment même où le gouvernement fait passer le mariage pour tous, il envisage le démantèlement du contrat à durée indéterminée. Et ça, c’est vraiment réactionnaire.


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