Arts pluriels : Résonances australes

Cette année, le Mudam a vu grand et s’offre une exposition de l’artiste aux multiples talents William Kentridge.

Photo : Nuno Lucas da Costa

« More Sweetly Play the Dance » se veut la première exposition monographique du genre au Luxembourg. Pour ce faire, on a fait appel à William Kentridge, artiste au parcours international né en 1955 à Johannesburg. Sa venue au grand-duché intègre le « Red Bridge Project », une collaboration entre les trois institutions majeures du paysage culturel luxembourgeois que sont le Mudam, la Philharmonie et le Grand Théâtre, curieusement situés aux deux extrémités du pont rouge, d’où le nom du projet.

À l’entrée du Mudam, une sorte de baptême attend le visiteur et la visiteuse. À travers quatre mégaphones paisiblement installés dans le grand hall résonne l’installation sonore intitulée « Almost Don’t Tremble », produite par Kentridge en collaboration avec cinq compositeurs sud-africains. Parmi ces sonorités expérimentales teintées d’africanité émerge l’ombre d’un arbre aux allures australes. Le ton est donné et le réel acquiert une tout autre échelle.

En poursuivant la visite au premier étage, la galerie est du Mudam reflète toute l’étendue du talent protéiforme de l’artiste. Aléatoirement s’alignent dans un même espace sculptures, dessins, collages aux diverses formes et deux courts métrages, le tout parsemé d’antislogans. Lors de la présentation de l’expo par visioconférence depuis Johannesburg, l’artiste a expliqué qu’il s’agit d’une « visite métaphorique » de son lieu de travail. Il considère que « l’atelier est un espace où le monde s’invite » et que ses créations sont un moyen de « donner un sens soit au monde, soit à nous-mêmes ».

La galerie ouest livre quant à elle une expérience sensorielle à part. À l’image de la salle précédente, cette partie pourrait à elle seule constituer une exposition. Un film de quinze minutes se déploie à travers sept écrans géants et de nouveau à travers quatre mégaphones. Tel un microcosme de la société africaine, il voit défiler musiciens, danseurs, prêtres, paysans ou encore prisonniers à travers des paysages créés à partir de dessins au fusain. La vidéo a été tournée en 2015 en pleine crise épidémique du virus Ebola, qui envahissait le continent africain. La performance s’inspire du Moyen Âge et se veut « une danse sur la mort contre la mort ». On peut facilement transformer cette même performance en une ode à l’Afrique sans cesse bafouée. Malgré cette souffrance endémique, tout le continent regorge de ressources spirituelles qui vont au-delà de la normale. Cela est parfaitement audible dans les rythmes de cette orchestration musicale, capable d’insuffler de l’espoir à tout être cliniquement mort et qui résonnera le reste de la journée dans la tête du visiteur et de la visiteuse. Il s’agit bien là de la véritable pièce maîtresse de l’exposition.

Entre les deux galeries, on pourra encore admirer une sympathique maquette, qui fera prendre conscience de l’ampleur de la logistique nécessaire à l’organisation de l’exposition. En l’absence de Kentridge pour raison pandémique, c’est Sabine Theunissen, architecte de formation et scénographe attitrée de l’artiste, qui en a supervisé la réalisation. Qu’on le veuille ou non, le Mudam est par sa forme un espace culturel à part, apte à se mesurer à des musées de renommée internationale. Gageons qu’en termes de contenu, il y aura désormais un avant et un après William Kentridge. Entre-temps, le Grand Théâtre attend à son tour l’artiste sud-africain, toujours retenu à Johannesburg pour la présentation de son opéra « Waiting for the Sibyl », prévu pour juin.

Au Mudam, jusqu’au 30 août 2021.

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