Débat pré-électoral : Les défis d’Idea

Inspirer les programmes électoraux, mais surtout établir un contexte pour des débats stratégiques, c’est le propos de la récente publication de la fondation Idea.

La crise du logement est préoccupante pour le Luxembourg, mais pas pour les raisons que vous croyez. Oubliez l’injustice sociale, car avant tout, il y a un « risque réel que les difficultés à se loger entravent sérieusement les capacités de développement économique ». C’est en tout cas ce qu’on apprend à la lecture de « Grands défis », le recueil d’analyses et de propositions publié fin avril par la fondation Idea. Rien d’inattendu à ce que le développement économique prime le développement social dans une publication de ce think tank proche de la Chambre de commerce. Pourtant, au-delà de ses biais, Idea confirme avec ce positionnement pré-électoral sa capacité à prendre du recul et à offrir une vision lucide des défis qui se posent au grand-duché.

Justement, alors que le titre du premier chapitre, « Préserver le tissu productif », fait penser à un communiqué patronal, la toute première proposition appelle à « refonder la politique du logement ». Pour l’auteur Michel-Édouard Ruben, il ne s’agit certes pas de mettre fin à la misère sociale en jouant la carte de l’État contre les propriétaires, comme peut le réclamer Déi Lénk. Mais ce n’est pas non plus la glorification des mécanismes de marché, ressort traditionnel des logiques libérales-conservatrices qui nous a valu l’impasse actuelle. Ruben évoque le modèle social-démocrate du « Bündnis bezahlbarer Wohnraum » d’outre-Moselle et suggère d’abandonner le paradigme de l’accès à la propriété généralisé. Idea vise à protéger la « classe sandwich », la partie de la classe moyenne exclue du marché de la propriété, en créant, en plus des logements sociaux, des logements locatifs abordables. En contrepoint à ce changement de paradigme radical, le think tank ne remet guère en question le rôle du capital privé dans de futurs programmes de construction.

Les autres propositions de ce premier chapitre, toujours bien argumentées, étonnent moins : depuis la baisse du taux d’impôt sur les bénéfices jusqu’à la « préservation du secteur financier », essentiel pour le modèle luxembourgeois, rien de nouveau. S’y rajoute tout de même la revendication de « trois modernisations » dans les domaines du secteur public, de l’éducation et des rémunérations (oui, il s’agit de « moduler » l’index). Modernisation est également le maître-mot des chapitres 2 et 3, consacrés à l’aménagement du territoire et à la coopération transfrontalière. Ces chapitres se réfèrent à une publication spécifique d’Idea, dont nous avions rendu compte dans l’article « Que faire du million ? ».

Loin des dogmes libéraux

Pour conclure, les deux derniers chapitres des « Grands défis » sont consacrés à des sujets classiques du néolibéralisme : le vieillissement de la population et les finances publiques. Sans surprise, Idea propose une réforme des retraites « conciliant rigueur et équité », à lancer dès après les élections… et non, l’auteur du chapitre ne s’appelle pas Emmanuel Macron, mais Muriel Bouchet. Notons aussi que, dans le détail, les propositions font preuve d’un réel souci de justice sociale. Côté finances publiques, la publication a le mérite de rappeler les besoins d’investissements futurs, depuis la transition écologique jusqu’à la revitalisation de la Grande Région. Enfin, les positionnements en matière de dette publique privilégient la souplesse plutôt que la rigueur.

Dans l’introduction des « Grands défis », Idea insiste sur des listes de questions « pouvant (très) utilement alimenter le débat pré-électoral ». Et oui, on y trouve des interrogations telles que « Comment se préparer à loger un million d’habitants ». Mais l’absence d’autres sujets délicats comme les rétrocessions fiscales (voir aussi p. 10) ou la primauté des droits sociaux et écologiques par rapport au droit de propriété nous laisse sur notre faim. Cela dit, le think tank est bien plus que « la voix de son maître » et nous épargne la rhétorique néolibérale sur des sujets comme « le piège des retraites » ou « le fardeau des dépenses publiques ». Malgré leur absence des titres de chapitre, les défis sociaux et environnementaux sont présents dans la publication. La concentration sur les aspects économiques et techniques découle peut-être de la « zone de compétence » limitée évoquée dans l’introduction, mais ne justifie pas l’absence de sujets comme le produit intérieur du bien-être ou la fiscalité écologique. Reste que « Grands défis » compte parmi les contributions les plus utiles pour élever le débat pré-électoral.


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