Développement durable : Circulez, valorisez, positivez !

L’économie circulaire est-elle la réponse à l’empreinte écologique démesurée du Luxembourg ? Les belles déclarations ne peuvent remplacer les douloureuses décisions à prendre.

« Pas huit, mais six planètes… » Le communiqué du Conseil supérieur pour un développement durable (CSDD) à l’occasion de l’« overshoot day » luxembourgeois a laissé une mauvaise impression. Selon le calcul standardisé de l’empreinte écologique, dès le 15 février de cette année, le Luxembourg aurait épuisé la part de ressources mondiales qui lui revient et vivrait « à crédit ». En expliquant qu’il fallait retrancher les ressources consommées par les frontaliers-ères et les secteurs tournés vers l’exportation, le CSDD a pu donner l’impression qu’il relativisait la voracité en ressources de la société luxembourgeoise.

Pourtant, critiquer le Conseil sur ce point est un peu injuste – son communiqué, tout comme les déclarations de son président Romain Poulles sur 100,7, présentait clairement la consommation de ressources particulièrement élevée du Luxembourg comme un problème. Interrogé sur le ralentissement de cette consommation dû à la Covid, Poulles a expliqué judicieusement qu’une telle baisse de l’utilisation de ressources de quelque cinq pour cent était ce qu’il nous fallait pour résoudre les crises écologiques. Et de rajouter que cela n’était pas faisable avec le système actuel : « Il nous faut un nouveau modèle économique. »

Le président du CSDD – et chef d’entreprise – Romain Poulles voudrait-il abolir le capitalisme ? Ou, plus modestement, appelle-t-il à remplacer la société de consommation par un système économique orienté vers la sobriété et l’équité ? Non, la solution promue par le Conseil est plutôt technologique que politiquement radicale : il s’agit du recours à l’économie circulaire. Rappelons que depuis un certain nombre d’années, ce nouveau concept fait partie de la panoplie du greenwashing – le patronat l’aime parce qu’il est « business-friendly », la politique parce qu’il permet de « positiver ». Mais en examinant de plus près ce qui se cache derrière le label d’économie circulaire, on est la plupart du temps déçu.

Sept chevreaux pour sauver le monde

Pourtant, les « sept principes de l’économie circulaire » présentés par le CSDD à la mi-février ne s’exposent guère à une investigation critique. Comment être contre un modèle économique qui s’affiche « systémique et holistique », favorise « santé, bien-être et impacts positifs » et donne la « priorité à la diversité » ? Autrement dit, les principes définis par le Conseil sont tellement vagues qu’ils ne veulent rien dire. Doivent-ils vraiment contribuer à la transition économique, ou leur utilité principale est-elle de faire diversion ?

Interrogé sur la nécessité de consommer moins, Poulles a en tout cas esquivé en renvoyant à l’économie circulaire – qui permettrait une utilisation plus intense et partagée des produits, complétée par leur recyclage… Quant aux mesures à prendre pour réduire les émissions, par exemple dans le secteur de l’aviation, le président du CSDD a évoqué les nombreux aspects du problème et la responsabilité de tout un chacun – et évité de se prononcer en faveur d’une taxation du kérosène.

Le discours sur l’économie circulaire suggère que des déclarations d’intention et des dynamiques technologiques et entrepreneuriales suffiront à surmonter les crises écologiques. Pas besoin alors de réfléchir sur un style de vie plus sobre ni sur un encadrement strict des activités économiques – comme énoncé dans les principes, ce « modèle économique disruptif » crée de la valeur économique, écologique et sociale « par sa nature ». Un raisonnement imparable parce que… circulaire.


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