Dans le dernier volet de la trilogie consacrée aux cartels mexicains, le maître du suspense déplace l’action – et Art Keller, son héros – à Washington. Un tome avec moins d’action violente et certaines autres faiblesses.
Il aura tout vu au cours de sa quarantaine d’années de carrière pour le gouvernement américain, en première ligne dans la guerre contre la drogue : des champs de pavot brûlés par des avions de chasse dans le Sinaloa des années 1970, entraînant l’abandon de l’héroïne par les exploitants au profit de leur spécialisation dans le trafic de cocaïne colombienne (ce qui les aura rendu immensément riches tout en provoquant l’épidémie de crack au nord de la frontière), aux guerres entre les cartels, les Zetas et les Sinaloans, leurs connexions au pouvoir politique, la corruption, les meurtres et les tortures. Alors, quand un sénateur républicain lui offre le poste à la tête de la DEA (Drug Enforcement Agency – la police antidrogues étatsunienne), Keller n’hésite point.
Sauf que l’homme d’action est mal préparé aux intrigues de couloir de Washington, DC. En plus, le président Obama est déjà sur le déclin et ne peut plus légiférer en profondeur, après avoir perdu la majorité au Congrès et au Sénat. L’irrésistible ascension d’un candidat républicain, extrêmement populiste et agressif (avec une prédilection pour les tweets aussi acharnés que stupides), John Dennison – les intéressé-e-s reconnaîtront de qui il s’agit – n’arrange pas les choses. Surtout que Keller découvre des liens entre le beau-fils de ce dernier et la mafia mexicaine…
« The Border » n’est pas aussi sanglant que les tomes précédents (« The Power of the Dog » et « The Cartel »), mais essaie de rester toujours aussi proche de la réalité. Mais si le narcotrafiquant El Chapo restera en réalité derrière les barreaux américains pour l’éternité, Winslow l’assassine dans sa fiction. Ce qui n’empêche pas que la guerre pour le contrôle du trafic au Mexique et dans les banlieues des métropoles américaines se poursuit et s’ensanglante davantage – surtout que les Chinois s’en mêlent avec leur produit de pointe : le fentanyl, qui fait encore plus de ravages que le crack à son époque.
Cela dit, on sent quelques faiblesses chez Winslow, qu’on connaît comme maître de l’intrigue, capable de ramener les fils les plus tordus sous un seul pli. Certaines intrigues commencées dans « The Border » ne mènent à pas grand-chose, d’autres épisodes paraissent très superflus pour la trame d’ensemble.
En somme donc, un roman essentiellement pour celles et ceux déjà branché-e-s sur les deux premiers tomes, mais pas nécessairement un bon point d’entrée dans le monde des narcos.