États-Unis : American Carnage

L’investiture de Joe Biden met un terme aux politiques les plus destructrices de ce qu’on appellera « l’ère Trump ». Mais si le nouveau président veut vraiment avancer, il lui faudra aussi revenir sur certaines de ses convictions centristes.

© Antony Quintano_wikimedia

Une blague a fait le tour de Twitter ces derniers jours pour expliquer l’héritage que Donald Trump laisse à son pays : « Un Congrès, un Sénat et un président démocrates. Il l’a fait ! Il a rendu l’Amérique great again ! » Pourtant, pour en arriver là, le prix a été cher, trop cher même au vu des quelque 400.000 citoyen-ne-s américain-e-s mort-e-s de la Covid-19, ignoré-e-s par une administration engluée dans une mare de mensonges et de conspirations. Trop cher aussi au vu de la légitimation des quelque 900 milices d’extrême droite existant aux États-Unis, que le président Trump n’a cessé d’honorer, au point qu’elles se sont cru permis de tenter un coup d’État et de démolir le Capitole au nom de théories du complot obscures.

Si l’Amérique est divisée, ce n’est pas la faute de Donald Trump. Elle l’était bien avant, et le protofasciste orange en a profité pour gagner la présidentielle de 2016. Le terrain sur lequel il a pu évoluer lui a été préparé par les administrations précédentes  – dont celles d’Obama et de son vice-président Biden. Au lieu de délivrer le « change » et le « hope » promis, ils ont fait dans le symbolique sans combler les failles qui séparent des millions d’Américain-e-s d’une vie digne, avec un travail qui paie plus que la survie et une assurance santé qui empêche de voir un diagnostic de cancer comme un arrêt de mort. C’est leur faillite qui a rendu Trump possible, et si Biden continue sur la même lancée, un autre Trump sera possible. D’ailleurs, dans son adieu pathétique à la nation, le président sortant a promis de revenir en politique « in some form ».

La plus grande erreur de l’administration Biden serait d’essayer de mettre en marche une sorte de « wayback machine » − pour revenir à l’ère Obama. Une ère qui, vue d’ici, après quatre ans passés sous un menteur labile et autoritaire, peut paraître plus clémente, mais qui ne l’était pas vraiment. Les problèmes sociaux de la population américaine doivent immédiatement être ciblés par Biden : c’est sa seule chance de créer l’unité tant invoquée dans son discours inaugural, et la seule chance aussi d’éviter un retour de Trump ou d’un de ses acolytes, voire enfants, à la Maison Blanche.

Biden sera-t-il capable de renier l’héritage de ses huit ans avec Obama et d’aller plus loin dans les réformes sociales ?

Donc, la question essentielle qui se pose à propos de Joe Biden est : sera-t-il capable de renier l’héritage de ses huit ans avec Obama et d’aller plus loin dans les réformes sociales ? Les possibilités sont minces, car même si son cabinet est plus diversifié que celui d’Obama, l’essence politique de Biden a toujours été le centrisme. Or, comment coopérer avec un parti républicain qui a collaboré pour sa grande majorité sans broncher avec Trump ? Comment regarder dans les yeux des personnes comme le sénateur texan Ted Cruz, coresponsable des émeutes du Capitole il y a tout juste quelques semaines ? D’autant plus qu’avec un Sénat démocrate, Biden n’a plus besoin d’apaiser les Républicains pour faire passer sa politique.

Tout dépendra donc de son courage politique et aussi du poids de la gauche américaine, qui s’est réveillée sous Trump et qui a aidé Biden à accéder à la présidence. Si elle ne se retrouve pas dans le cabinet Biden, du moins une position clé lui a été réservée : désormais, la commission budgétaire du Sénat – un poste très important – sera présidée par Bernie Sanders, le démocrate socialiste, qui lui n’hésitera pas à faire avancer son programme politique. Il reste donc un peu d’espoir.


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