Le Leaders Summit, une chance pour la lutte contre le réchauffement global ? Il risque de fragiliser le multilatéralisme et d’ignorer la nécessité d’une transition juste.
La COP26 aura-t-elle lieu en novembre ? Initialement prévue pour la fin de l’année dernière, elle avait été reprogrammée. Et voici que les déficits en matière de vaccinations font douter de la faisabilité de rassembler plus de 20.000 personnes, notamment de la société civile mondiale, à Glasgow pendant deux semaines.
Si la tenue de la COP26 est incertaine, un autre sommet va bien avoir lieu : le « Leaders Summit on Climate », convoqué par Joe Biden pour le 22 avril, le Jour de la Terre. C’est que les États-Unis veulent marquer le coup : après quatre ans d’errements, les voici de retour sur le parquet international, et prêts à prendre en main le dossier climatique. Le défi sera-t-il enfin relevé grâce au leadership des États-Unis ? Ce n’est pas évident. La désinvolture avec laquelle ils prétendent gouverner le monde à coups de sommets ad hoc fragilise le modèle multilatéral de l’ONU. Rappelons que le fameux Summit for Democracy, également prévu pour 2021, vise à rassembler contre la Chine, alors qu’elle est un partenaire clef de la lutte contre le changement climatique. Réduire les émissions de CO2 à l’échelle mondiale suppose qu’on établisse un climat de confiance entre les pays, et sûrement pas un climat de guerre froide.
Réduire les émissions, c’est le mantra des rapports scientifiques qui se suivent et se ressemblent. Alors que, en 2015, lors du sommet de Paris, maintenir le réchauffement en dessous de deux degrés avait semblé un pis-aller, désormais il y a consensus sur la nécessité absolue de rester en dessous de 1,5 degré. Quant à l’horizon temporel, au lieu de promesses comme « zéro émission nette en 2050 », les expert-e-s réclament des engagements de baisse massive pour les dix ans à venir. C’est sur ce terrain qu’on attendra les participant-e-s au sommet du 22 avril, notamment les 17 dirigeant-e-s « responsables » de 80 pour cent des émissions mondiales de CO2. Difficile ? Oui, mais clairement faisable sur le plan technique et économique.
C’est plutôt sur le plan politique et social que l’humanité risque d’échouer dans sa tentative d’arrêter le changement climatique. En effet, ces dernières années, de plus en plus d’études mettent en évidence les inégalités par rapport aux effets, mais aussi aux causes du réchauffement global. Ainsi, un rapport britannique vient d’évaluer que le un pour cent le plus riche de la population mondiale émet deux fois plus de CO2 que les 50 pour cent les plus pauvres. Clairement, il faudra renouveler les contrats sociaux au niveau des pays – les Gilets jaunes l’ont rappelé – et inventer une sorte de contrat social mondial.
La logique de marché est contraire à l’idée d’un effort mondial solidaire face au défi climatique.
Or, le monde dans lequel nous vivons est régi par la puissance et le profit, et non par la solidarité et le partage. Que les vaccinations progressent aussi lentement dans les pays pauvres n’est pas une surprise pour qui connaît l’insuffisance de la coopération au développement et à l’adaptation au changement climatique que le Nord est supposé fournir au Sud global. C’est d’ailleurs un des sujets sur lesquels la COP26 devra avancer. Le Leaders Summit sera probablement plus tourné vers l’autre sujet en suspens, celui des marchés du carbone, sur lesquels mise le « monde libre » groupé autour des Étas-Unis. Hélas, ces marchés, tout comme les accords d’investissement comme la Charte de l’énergie européenne, relèvent d’une logique de libéralisme économique et de concurrence, contraire à l’idée d’un effort mondial solidaire face au défi climatique.
Un accord international selon ces lignes ne serait pas une véritable avancée, sachant qu’un échec et une dégradation des relations internationales, avec guerres commerciales subséquentes et formation de blocs géostratégiques, seraient encore pires. Mettre la planète sur une orbite vraiment durable et s’attaquer aux injustices sociales même si cela impose un changement de style de vie aux riches, c’est beaucoup demander aux dirigeant-e-s de nos pays. Après tout, eux et elles et la plupart de leurs ami-e-s ne comptent pas parmi les pauvres… Mais ils et elles ne sont pas insensibles non plus aux opinions publiques. Raison de plus donc de se mobiliser pour une transition juste !