Europe et CETA : Suspense pour un non

La Wallonie cédera-t-elle ? Alors que la société civile mobilise contre le CETA, en haut de la pyramide politique européenne, il n’y a plus que la région belge qui bloque ouvertement son adoption.

Piquet devant le Centre de conférences où avait lieu le Conseil des ministres 
du 18 octobre. (Photo : Raymond Klein)

Piquet devant le Centre de conférences où avait lieu le Conseil des ministres 
du 18 octobre. (Photo : Raymond Klein)

Attendre. C’est l’apanage des journalistes spécialisés en affaires européennes. Attendre la conférence de presse reculée de quart d’heure en quart d’heure, attendre la fin des huis clos qui souvent ne décident rien, attendre l’info ou le tweet qui signale l’aboutissement des négociations… ou leur échec. Tout en restant méfiant. Ainsi, le tweet du ministre des Affaires étrangères belge Didier Reynders qui disait « Hey Canada fuck you » ne reflétait pas l’état des négociations autour du CETA. Son compte Twitter avait simplement été piraté par des rigolos.

Attendre, c’est aussi ce que Blanche Weber, au nom de la plate-forme d’ONG Stop TTIP, avait recommandé aux négociateurs le 14 octobre, afin qu’ils prennent le temps d’éclaircir les nombreux points controversés du traité de libre-échange. Et dans notre article « web exclusive », nous avions rappelé qu’un tel moratoire sur un projet controversé pouvait facilement conduire à son enterrement. C’est peut-être ce qui est en train de se passer.

Le dilemme des Verts

Pourtant, les arguments en faveur du CETA avaient semblé convaincre de nombreux récalcitrants : comme les sociaux-démocrates allemands – et contrairement à leurs collègues dans l’opposition -, les Verts luxembourgeois avaient choisi le 14 octobre au soir de ne pas mettre leur veto. Contrairement aux ONG, ils considéraient notamment que le protocole additionnel apportait de réelles améliorations au traité.

En interne, en faisant part de leur attitude critique, les dirigeants verts avaient su amadouer une partie de la résistance. Mais vu de l’extérieur, le parti apparaissait comme ayant tourné le dos à la société civile. Le communiqué de presse soulignait bien l’effet positif de la participation verte sur l’orientation de la politique gouvernementale, mais ne pouvait faire oublier que cette même participation gouvernementale avait eu un effet opposé sur les positions officielles du parti. Concernant le CETA, cela est particulièrement gênant. En effet, de bons arguments sont avancés, notamment par Attac, pour montrer en quoi ce traité serait incompatible avec l’accord climatique de Paris, ce dernier faisant la fierté de la ministre Carle Dieschbourg et de son parti.

« Qui sera le nouveau Jean Valjean ? », avions-nous demandé la semaine dernière. Celui qui arrêtera le CETA peut en effet être assimilé au héros des « Misérables », puisque les anti-CETA ont pris l’habitude de chanter un hymne issu de cette comédie musicale. Ce ne serait pas Jean Asselborn, c’était déjà clair. Puis le chancelier autrichien Christian Kern, un moment candidat, a succombé au réalisme de son parti. Le nouveau Jean Valjean s’appelle Paul Magnette – du moins à l’heure où nous rédigeons cet article. Le président de la région Wallonie a en effet mis son veto lors du Conseil des ministres du Commerce de mardi dernier, réuni pour adopter le CETA. Plus précisément, sur base d’un vote de son parlement régional, il n’a pas autorisé Didier Reynders à signer.

Quel traité pour quelle Europe ?

Cela n’a pas été le seul rebondissement. Auparavant, la Cour constitutionnelle allemande avait donné un feu vert très relatif, et la Roumanie et la Bulgarie avaient donné leur oui du bout des lèvres. Le Canada refuse en effet l’entrée de leurs citoyens sans visa – le libre-échange ne concernant que les droits des marchands et non ceux des citoyens. Ensuite, alors qu’après le Conseil des ministres, c’était le sommet européen des 20 et 21 octobre qui devait trancher, Magnette tweetait dès mardi soir : « Nous ne pourrons apporter une réponse à l’EU d’ici vendredi. » Et mercredi après-midi, ça partait dans toutes les directions : la Roumanie et la Bulgarie revenaient sur leur oui, tandis que les représentants wallons ne se montraient guère empressés de continuer à négocier…

Quels sont les arguments factuels pour convaincre les récalcitrants ? « Un échec du CETA entamerait la crédibilité de l’Union lors de futures négociations commerciales », c’est ce que pense la – libérale – commissaire européenne pour le commerce Cecilia Malmström. Quant au ministre de l’Économie slovaque Peter Žiga – un social-démocrate -, il exprime sans fioritures ce qui constitue le fond de pensée des pro-CETA : « Comment être contre le CETA alors que la politique commerciale était le sujet principal lors de la fondation de l’Union européenne ? » Enfin, pendant que Paul Magnette bénéficie de multiples encouragements issus de la société civile, les leaders politiques belges viennent de recevoir une lettre de Business Europe, affirmant qu’un veto contre le CETA « ferait apparaître la crédibilité de la Belgique sous un jour désastreux ».

Effectivement, un oui au CETA rétablirait peut-être la crédibilité de l’UE auprès des marchands de ce monde. Mais, comme l’a rappelé Blanche Weber lors de la conférence de presse de Stop TTIP, du côté des citoyens, on aura l’effet opposé : « Si le traité est adopté suite à un passage en force, cela conduira à une perte de crédibilité de la politique. »

 

voir aussi l’édito : Avant le sommet européen – le grand désamour


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