Faut-il lutter contre les substances chimiques qui nous empoisonnent en faisant pression sur le commerce ? Et pourquoi vouloir interdire aux ménages ce qu’on tolère du côté des agriculteurs ? Éclaircissements sur le débat autour du glyphosate.
Il y a une semaine, le gouvernement jubilait : « La ministre de l’Environnement Carole Dieschbourg, le ministre de l‘Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs Fernand Etgen et la ministre de la Santé Lydia Mutsch saluent l’initiative prise par plusieurs grandes surfaces et commerces luxembourgeois de retirer le glyphosate de leurs rayons. » Une action hautement vertueuse de Cactus et de quelques autres – et à mettre sur le compte de la sagesse gouvernementale : « Ceci montre que le commerce est prêt à prendre ses responsabilités et à agir selon le principe de précaution prôné par le gouvernement. » Le glyphosate est un herbicide commercialisé notamment par Monsanto sous le nom de Roundup, controversé depuis longtemps. Le débat sur sa nocivité a rebondi suite à un rapport de l’Organisation mondiale de la santé le classant comme « cancérigène probable ».
Laisser agir les consommateurs et les acteurs économiques plutôt que la politique, la stratégie a été reprise de ses prédécesseurs par la ministre de l’Environnement verte. Le gouvernement ne fait que « prôner » et laisse l’application de ce qu’il prône à la société civile – à défaut d’être efficace, cette approche évite au moins les conflits et les déconvenues.
Mais tous les politiciens ne l’entendent pas de cette oreille. En mai 2014, les députés verts Josée Lorsché et Henri Kox avaient suggéré aux ministres de la Santé et de l’Agriculture d’envisager des restrictions à l’usage du glyphosate. Refus cinglant : « Une interdiction des herbicides au glyphosate pour l‘utilisation privée n‘est pas prise en considération. » Quant au renouvellement de l’autorisation de vente au niveau européen, les ministres s’abritaient derrière le manque d’expertise en la matière : en attendant l’achèvement du dossier de réévaluation, la position du Luxembourg ne serait « pas encore définie ».
Notons que Greenpeace a, comme le gouvernement, salué la décision de Cactus. Mais en ajoutant que le gouvernement devrait également prendre ses responsabilités en matière de protection des consommateurs. Et en renvoyant à sa pétition demandant « de suspendre l’utilisation du glyphosate dans les contextes où il en résulte une exposition à grande échelle pour la population ». La formulation est volontairement floue – pour le moment, l’effet cancérigène n’est pas prouvé.
Pipi pollué !
C’est surtout l’usage du glyphosate par les ménages qui est visé. Interdire l’usage d’un produit aux personnes privées tout en l’autorisant pour les professionnels peut paraître inique. Pourtant, du moins en théorie, les professionnels peuvent mieux se protéger, et contaminer des champs avec un produit cancérigène est d’une certaine manière moins dangereux que contaminer des jardins privés.
Le Mouvement écologique, dès mars de cette année, est allé bien plus loin : il a demandé que le gouvernement « retire, sans tarder, toutes les autorisations de vente de produits à base de glyphosate » et qu’il « s’engage à l’échelle européenne pour une interdiction générale de ces produits ». L’ONG renvoyait à une étude du BUND allemand ayant détecté des traces de glyphosate dans l’urine de 70 pour cent de la population et s’inquiétait de l’omniprésence d’une substance aux effets potentiellement dangereux.
Cela n’a pas empêché le Mouvement de « saluer expressément » l’initiative de Cactus et Hela, indiquant qu’il avait contacté la grande distribution pour l’inviter à retirer de la vente les produits à base de glyphosate. Tout en insistant sur la responsabilité du gouvernement de légiférer en la matière : « S’il est vrai que le consommateur doit agir de manière responsable, il est tout aussi vrai que les autorités politiques et les acteurs du secteur agricole doivent enfin assumer leur part de responsabilité dans ce dossier ! »
Plus de glyphosate… dans le woxx 😉